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Place de La Nation entre les tracteurs « Ils ont intérêt à se bouger »

Paris, 3 sept 2015 (AFP) - « Sans réponse claire, nette, sans action, on ne partira pas c'est sûr ! ». Emmanuel Enaud descend de la tribune place de la Nation, jeudi et rejoint la foule de ses supporters, des paysans comme lui, venus avec leurs drapeaux et leurs slogans.

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Les tracteurs, convois bretons en tête, sont entrés dans Paris derrière les pancartes accrochées à leurs lames qui traduisent le désarroi agricole : « Convoi de la dernière chance », « Qui sème la misère récolte la colère », « Notre métier a un prix : Y en a marre ! ». Non sans humour parfois : « Hollande, merci pour ces moments »...

La voix cassée et le regard clair légèrement rougi par la fatigue et l'émotion, Emmanuel Enaud est parti en tracteur mardi soir d'Ille-et-Vilaine où il élève 180 truies, avec l'aide bénévole de ses parents et de sa femme. « A moi seul, j'effectue le travail de deux familles (les deux élevages qu'il a réunis) et je ne m'en sors pas ». Alors c'est sûr, confirme-t-il, les Bretons vont continuer d'occuper le terrain si la réponse des autorités n'est pas à la hauteur : « Jusqu'au week-end au moins c'est sûr ».

« J'ai un lit dans la bétaillère, tout ce qu'il faut » confirme Christian Ribet, venu en tracteur de Châteaulin, dans le Finistère. 20 heures sur les routes et le « bonnet rouge » de la contestation bretonne plié dans la poche, confie-t-il. « En rentrant on est prêt à continuer des actions avec les commerçants, les transporteurs, les artisans ». Lui produit du lait et prédit le « feu dans les campagnes ». « Le lait est passé à 320 euros la tonne contre 340 l'an dernier et ça doit baisser encore ! On vend à perte alors que c'est interdit par la loi ». Alors, prévient-il à l'adresse des gouvernants : « Ils ont intérêt à se bouger le cul et pas de blabla, ça suffit ».

« sinon on laisse tomber »

Derrière lui un jeune éleveur bourguignon, le fils du président de la Fédération nationale bovine (Fnb) Jean-Pierre Fleury, commente avec ses amis : « Ah les Bretons ! personne ne leur commande ! » En tee-shirt rouge, les « éleveurs bovins en colère » se sont regroupés sur le terre-plein central après la route depuis la Saône-et-Loire. Jean-Philippe Nivost, qui élève ses charolaises près du Creusot en a amené trois, d'un blanc crémeux, attachées sous les arbres. Des gars de la Fnb leur ont noué le tee-shirt rouge de la fédération sur le dos. « Même si on fait ce métier par passion, on a besoin d'un revenu ». Jean-Philippe Nivost fait valoir les services rendus à la collectivité, l'entretien des paysages par exemple, des chemins, les pare-feux. « On le fait naturellement tant qu'on peut vivre, Sinon on fera comme tout le monde : on laissera tomber ». Dubitatif sur la réponse politique, il anticipe « un pansement de plus sur une jambe de plus en plus en bois ». « Si je suis le meilleur au 100 m et que vous me collez 50 kilos sur le dos, c'est sûr, je ne vais pas y arriver ! » ajoute cet adepte des bonnes formules.

Car ce que tous dénoncent sur le bitume parisien, ce sont les charges, les normes, les contrôles, sociaux et environnementaux, la fiscalité, autant de poids qui les entravent face à la concurrence européenne, disent-ils. « Regardez, on est en guerre les uns contre les autres en Europe », s'insurge Jean-Michel Billault, céréalier du Loiret.

Dans un coin, de jeunes agriculteurs ont commencé à allumer le barbecue. La sono lance un appel à la vigilance : « on a repéré des groupes de pickpockets ». « Ah si j'en chope une, je lui flanque une raclée », s'écrie un malabar à moustache venu de l'Aveyron. Mais les gamines ont filé, pressentant peut-être qu'elles pourraient bien servir d'exutoire à la colère paysanne.

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