Distribution collective : les objectifs d’Égalim, encore loin d’être atteints, malgré des initiatives positives
Malgré une obligation d’achat de 50 % de produits de qualité et durable, la restauration collective publique est encore loin de remplir ses objectifs, principalement en raison du coût de ces produits, mais aussi pour des raisons logistiques et opérationnelles. Des initiatives existent cependant, pour simplifier les échanges entre établissements publics et agriculteurs.
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Dès le 1er janvier 2022, la loi Égalim impose à la restauration collective publique (cantines scolaires, hôpitaux, Ehpad, administrations) de consacrer au moins 50 % de ses achats à des produits de qualité et durables, dont 20 % issus de l’agriculture biologique. Depuis 2024, au moins 60 % de produits durables et de qualité sont requis pour les familles de produits « viandes » et « poissons ». Enfin, pour les établissements accueillant plus de 200 personnes, une obligation de démarches de non gaspillage alimentaire, de réduction du plastique et d’information aux usagers est obligatoire.
Mais les chiffres restent largement en deçà : selon la Direction générale de l’alimentation, la part de produits durables et de qualité n’atteignait en 2023 que 25,3 %, dont 12,1 % de bio. Seul un restaurant public sur cinq avait déclaré ses achats sur la plateforme « ma cantine », malgré le caractère obligatoire de cette déclaration. Sur les établissements qui ont déclaré, seuls 15 % atteignent le seuil des 50 % de produits de qualité, et la restauration médico-sociale ne compte que 4 % de bio, alors qu’elle représente à elle seule 40 % des repas servis en France, chaque année.
Le frein principal : le budget des collectivités
Le principal obstacle reste budgétaire. Les produits sous signe de qualité (AOP, IGP, spécialité traditionnelle garantie, Label Rouge et bio.) coûtent souvent plus cher à l’achat. « C’est une question de choix politique, souligne Nicolas Sabot, responsable commercial de la SCIC D’Ardèche & de Saison, qui fournit collèges, lycées, hôpitaux et autres établissements publics en Ardèche. Quand on fournit la restauration collective, avec un intermédiaire comme nous et en faisant le choix de s’approvisionner en local, ce ne sera jamais moins cher qu’un produit d’un distributeur national ou multinational. On ne peut pas avoir, en Ardèche, les coûts de production d’un oignon des Pays-Bas. »
D’autant que cette société coopérative, créée sous l’impulsion de la chambre d’agriculture de l’Ardèche, s’appuie sur les coûts de production fixés par les agriculteurs pour établir ses prix. Chaque semaine, les stocks disponibles ainsi que les tarifs sont indiqués dans une mercuriale à destination des clients. Les commandes, centralisées par la SCIC, sont ensuite transmises aux producteurs, dont 90 % des volumes sont déjà vendus avant enlèvement. Trois véhicules frigorifiques sillonnent l’Ardèche pour livrer les établissements du lundi au vendredi. D’Ardèche et de Saison réunit 120 fournisseurs, dont 95 % d’exploitations agricoles, et sert 270 clients. Elle a livré 450 t de produits locaux en 2024, soit 8 000 commandes, pour un chiffre d’affaires d’environ 2 M€. Près de 60 % de son offre est sous signe officiel de qualité, et le bio représente 38 % de ses ventes.
Des débuts compliqués pour un maraîcher
À Tournon-sur-Rhône, Frédéric Martin, maraîcher à la tête de l’EURL des Îles Féray, cultive 30 hectares de légumes bio (dont 1,5 ha sous serre) avec une équipe de 12 salariés permanents et 18 saisonniers. Installé depuis 1988, il vend encore 90 % de sa production en détail, sur les marchés ou à la ferme, mais s’appuie désormais sur des intermédiaires comme D’Ardèche & de Saison pour écouler ses surplus : « Nous cultivons plus de 100 variétés de légumes. Quand il y a trop de patates, d’asperges ou de carottes, ils trouvent des débouchés. »
Le fonctionnement demande de l’adaptation : commandes à J-2, calibrage précis, conditionnement par 5 ou 10 kg. « Au début, c’était un peu tendu, on a courbé l’échine, mais maintenant ça roule », explique-t-il. Le maraîcher dispose de grandes chambres froides, qui lui permettent de temporiser et d’ajuster la logistique. Outre la distribution collective, certains intermédiaires permettent à Frédéric Martin de vendre sa production à des restaurants. « C’est valorisant, les restaurateurs mettent en avant la dimension locale de nos produits, le nom de l’exploitation se retrouve sur la carte », sourit-il. L’intérêt est double : des débouchés stables et une juste rémunération. « C’est nous qui fixons le prix, et c’est très correct », conclut-il.
Relier producteurs et collectivités
Et face aux difficultés budgétaires des collectivités, des leviers existent, comme la lutte contre le gaspillage alimentaire ou l’ajustement du grammage. Nicolas Sabot rappelle : « Quand un collège choisit un steak de qualité de 100 g plutôt qu’un steak de grossiste de 120 g, il garde quasiment la même portion servie après cuisson, et peut payer un produit local plus cher sans dépasser son budget. » D’après le chef d’entreprise, les établissements où les dépassements budgétaires et le gaspillage sont les plus fréquents sont ceux où les achats locaux sont les plus rares. Enfin, le dispositif « Lait et fruits à l’école », financé par FranceAgriMer, reste sous-utilisé : seuls 30 % des 30 millions d’euros disponibles sont consommés chaque année
Une articulation efficace entre producteurs, structures logistiques et acteurs publics permet de concrétiser les objectifs d’Égalim. Mais la clé du succès reste la coordination : planification annuelle des besoins, formation des cuisiniers à la gestion du frais, et mutualisation des volumes pour atteindre la taille critique. Les cantines servent plus d’un milliard de repas chaque année en France, ce qui constitue un potentiel énorme pour sécuriser le revenu des agriculteurs, et leur permettre de faire monter en gamme leur production.
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