Labourer ou non ? L'avis d'un expert

Entre labour et semis direct, les techniques de travail du sol varient selon les objectifs. Moins de passages réduit le temps passé et le carburant, mais demande plus de maîtrise et de vigilance agronomique.

Selon l'ingénieur agroéquipements d'Arvalis à Boigneville (91), « les techniques de travail du sol sont nombreuses, chacun a sa propre façon d’opérer dans les parcelles de sa ferme. Toutefois, il faut distinguer les grandes classes de travail selon les modes d’action associés : mélange des horizons, fragmentation et retournement du sol. La charrue est le seul outil permettant de retourner la terre, action qui permet d’enfouir les graines d’adventices et les résidus de culture. Le sol nu en surface autorise le désherbage mécanique et un bon réchauffement au printemps, il est, par contre, plus soumis aux aléas de type érosion et battance. Sans labour, la palette des techniques est large, depuis le pseudo-labour jusqu’au semis direct !

A chaque ferme sa manière de travailler, en fonction du parcellaire et de son degré de smplification. (© DR)

Selon le degré de simplification, cela implique une diminution du temps de travail et de la consommation de carburant, un sol avec plus ou moins de résidus en surface et une portance accrue. La technicité requise sera d’autant plus importante que le nombre de passages est faible, il s’agit d’intervenir lorsque le sol est à la bonne consistance avec le(s) outil(s) adéquat(s). Les résidus en surface obligeront à davantage surveiller les ravageurs (les limaces entre autres…) là où gérer les adventices sera plus complexe (graines situées en superficie, désherbage mécanique plus délicat, dépendance aux herbicides). Enfin, une attention particulière devra être apportée au respect de la structure du sol, notamment en cas d’arrêt de la fragmentation. »

Le labour, entre déclin relatif et repositionnement technique

Si la tendance générale est à la réduction du travail du sol, la charrue n’a pas disparu des campagnes françaises. En 2017, près de 47 % de la surface agricole utile n’était plus labourée, et 46,8 % des parcelles étaient soumises à un labour léger (une à deux fois tous les six ans). Pourtant, environ 40 % des surfaces font encore l’objet d’un labour systématique, preuve de la résilience de cette pratique. Le semis direct, symbole de l’agriculture de conservation, reste marginal : il ne concerne que 3 % des grandes cultures de l’Hexagone.

De nombreuses exploitations ont opté pour un usage raisonné de la charrue, mobilisée ponctuellement selon les cultures, la météo ou l’état des sols (présence de vivaces, tassement, besoin de remise à plat...). Paradoxalement, si les chiffres précis restent confidentiels, les professionnels estiment que les ventes annuelles de charrues neuves en France tournent autour de plusieurs milliers d’unités, avec une stabilité relative ces dernières années voire un léger rebond après 2021.

Les ventes concernent surtout des modèles portés à quatre ou cinq corps, compatibles avec des tracteurs de forte puissance (sources : Matériel Agricole, Axema – données non consolidées). Le discours dominant est donc celui de la complémentarité : le labour n’est plus un réflexe mais un choix stratégique, intégré dans des systèmes de culture de plus en plus diversifiés et pilotés. Bannir la charrue n’est pas toujours la meilleure option. L’adapter l’est souvent.

L’ACS, une alternative crédible ?

L’agriculture de conservation des sols (ACS) repose sur trois piliers : la réduction du travail du sol, la couverture permanente et les rotations longues. Si elle ne concerne que 2 à 5 % de la surface agricole utile en France, son adoption progresse : 40 % des agriculteurs s’y intéressent, selon les résultats d’un sondage publié sur Terre-net.fr. Comparée au labour, l’ACS permet jusqu’à 40 % d’économie de carburant par la réduction du nombre de passages, une baisse de l’érosion des sols de 80 à 95 %, une augmentation moyenne du stockage de carbone de 0,5 t/ha/an (contre un sol labouré qui tend à en perdre), et une diversification des cultures plus facile via les couverts végétaux, qui limitent aussi les adventices par compétition.

Selon l’Inrae, un sol conduit en ACS pendant plus de dix ans présente une amélioration significative de sa porosité et de son taux de matière organique (+ 25 %). Des expérimentations à long terme, comme à la station d’Époisses (Côte-d’Or), montrent davantage de résilience des rendements en conditions sèches. Autre exemple à la ferme expérimentale de La Blinière (Sarthe), qui a abandonné totalement la charrue en 2012. Elle enregistre des rendements équivalents à ceux qu’elle atteignait en mode conventionnel, avec une baisse de 20 % des charges de mécanisation et une consommation de GNR divisée par deux. Pour autant, l’ACS exige du savoir-faire, une phase de transition délicate et du matériel adapté (semis direct, broyage de couverts...). Elle ne constitue donc pas une solution universelle, mais une voie crédible pour conjuguer performance agronomique, sobriété énergétique et durabilité.

Charrue or not charrue ? Pour D. Brun, « à chacun sa façon de travailler »

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