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Etude du CNRS et du Muséum Les oiseaux des campagnes disparaissent à une vitesse vertigineuse

Les oiseaux vivant en milieu agricole disparaissent à une « vitesse vertigineuse » en France, avec des populations qui se sont en moyenne réduites d'un tiers en 15 ans, alertent mardi le CNRS et le Museum d'histoire naturelle.

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Les populations vivant en milieu agricole cultivé ont nettement diminué et cette tendance s'est encore intensifiée en 2016 et 2017, montrent les relevés faits depuis 1989 par le « Suivi temporel des oiseaux communs » (Stoc), qui, au sein du Muséum, surveille aussi la situation dans les villes et les forêts. Pour le Muséum et le CNRS, ce déclin dans les campagnes « atteint un niveau proche de la catastrophe écologique ».

« On ne prend pas de grands risques en disant que les pratiques agricoles sont bien à l'origine de cette accélération du déclin », a dit à l'AFP Grégoire Loïs, directeur-adjoint de Viginature, qui chapeaute le Stoc, car les oiseaux ne déclinent pas au même rythme dans d'autres milieux. « Il y a un déclin léger sur le reste du territoire, mais rien à voir en termes d'amplitude » avec les zones agricoles, ajoute-t-il.

En zones agricoles, des espèces comme l'alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan, ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. En Ile-de-France, la tourterelle des bois approche - 90 %. 

Une autre étude, menée par le CNRS depuis 1995 dans les Deux-Sèvres, sur 160 zones de 10 hectares d'une plaine céréalière typique des territoires agricoles français, vient enfoncer le clou. « Les populations d'oiseaux s'effondrent littéralement dans les plaines céréalières », constate Vincent Bretagnolle, écologue au Centre d'études biologiques de Chizé. « Les perdrix se sont presque éteintes dans notre zone d'étude... » Selon ces recherches, en 23 ans, l'alouette a perdu plus d'un individu sur trois (- 35 %), la perdrix grise huit individus sur dix...

"Effondrement sous nos yeux"

« Ce qui est alarmant, c'est que tous les oiseaux du milieu agricole régressent à la même vitesse. Cela signifie que c'est la qualité globale de l'écosystème agricole qui se détériore », analyse le chercheur. Grosses ou petites, migratrices ou pas, toutes les espèces sont concernées, probablement du fait de l'effondrement des insectes. « Il n'y a quasiment plus d'insectes, c'est ça le problème numéro un », souligne Vincent Bretagnolle. Car même les volatiles granivores ont besoin d'insectes à un moment dans l'année, pour leurs poussins. 

Cette disparition massive est concomitante à l'intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009, période qui correspond entre autres « à la fin des jachères imposées par la Politique agricole commune, à la flambée des cours du blé, à la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d'avoir du blé sur-protéiné et à la généralisation des insecticides néonicotinoïdes », ajoute encore leur communiqué.

Selon Grégoire Loïs, le constat est similaire en Europe, notamment dans l'ouest du continent. Selon deux études récentes, l'Allemagne et l'Europe ont perdu 80 % d'insectes volants et 421 millions d'oiseaux en 30 ans.

Les scientifiques français s'interrogent sur les raisons de « l'accélération très forte » de ce déclin constatée en 2016 et 2017, et à ce stade largement inexpliquée. Ce qui les a conduits à diffuser ce communiqué commun mardi, sans attendre de voir leurs études publiées dans une revue scientifique. « On a l'impression qu'il y a une forme d'effondrement en train de se produire sous nos yeux », dit Grégoire Loïs. « Cette accélération est-elle liée à la multiplication des facteurs ? A une nouvelle pratique agricole dommageable qu'on n'aurait pas encore identifiée ? A-t-on franchi un seuil ? »

De quoi redouter un « printemps silencieux », comme le « silent spring » prédit par la célèbre écologue américaine Rachel Carson il y a 55 ans à propos du DDT, finalement interdit ? « Si cette situation n'est pas encore irréversible, il devient urgent de travailler avec tous les acteurs du monde agricole, et d'abord les agriculteurs, pour accélérer les changements de pratiques », appellent le Muséum et le CNRS.

Réagissant sur Twitter, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a appelé à « se mobiliser » car selon lui « chacun peut agir : réduire les pesticides, lutter contre l'artificialisation des sols, réduire les pollutions ».

Hervé Lapie, 2e vice-pdt à la commission environnement de la FNSEA, en charge de la biodiversité, a rappelé la présentation par son syndicat d'un contrat de solution recensant 292 pistes pour réduire l'utilisation de l'ensemble des traitements phytosanitaires, dont le glyphosate. Il a réclamé un accompagnement notamment financier des agriculteurs pour mettre en place des solutions. Outre la réduction des pesticides, « il faudrait reconstruire le milieu naturel », pour Gilles Menou, porte-parole de la Confédération paysanne dans la région Centre/Val de Loire, et peut-être « réduire la taille des parcelles, ou créer des zones de rupture dans les grandes parcelles ». « Je ne suis pas surpris. Le modèle agricole a modifié de façon importante le biotope », a-t-il déclaré à l'AFP.

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