Mercosur : l'exécutif tente de rassurer les agriculteurs pour éviter la crise
Emmanuel Macron, comme Sébastien Lecornu, multiplie les marques d'attention à l'égard du monde agricole, désireux de prévenir une nouvelle crise autour du traité UE-Mercosur, sous pression aussi de la droite qui défend son électorat.
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Le président de la République était venu mercredi à Toulouse parler des réseaux sociaux. Mais ce sont 300 agriculteurs et une cinquantaine d'engins agricoles qui l'ont accueilli pour lui demander des clarifications sur ce projet d'accord commercial entre l'Union européenne (UE) et des pays latino-américains du Mercosur, très décrié en France.
La ministre de l'agriculture Annie Genevard avait elle aussi fait le déplacement, annulant tous ses rendez-vous pour jouer les bons offices avec les syndicats agricoles. Et surtout parler d'une seule voix avec le chef de l'Etat après des dissonances remarquées.
Emmanuel Macron s'était dit au Brésil « plutôt positif » sur la possibilité d'accepter ce traité tout en affirmant rester « vigilant », ce qui a provoqué un tollé dans le monde agricole. Annie Genevard avait ensuite assuré que la France ne « signerait pas un accord » qui « condamnerait » ses agriculteurs.
Ces derniers dénoncent une concurrence déloyale en raison des normes environnementales et sanitaires moins exigeantes en Amérique du Sud, à même de déstabiliser certaines filières agricoles déjà fragiles.
Dilemme
Après avoir essayé de trouver une minorité de blocage au sein de l'UE, la France a marqué le pas dans ses efforts diplomatiques. Début juin, Emmanuel Macron s'était déjà dit prêt à signer le traité, sous conditions.
Le chef de l'Etat a tenté néanmoins de rassurer les agriculteurs mercredi à Toulouse, affirmant que le traité, « tel qu'il existe aujourd'hui, recueillera un non très ferme de la France », selon des propos rapportés par Annie Genevard.
Ce qui a laissé froid le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, qui attend surtout « de la cohérence » de l'exécutif pour porter un message de « détermination » à Bruxelles.
Certains syndicats agricoles accusent Emmanuel Macron de tenir un « double discours » visant à « faire croire » que la France est contre l'accord pour éviter de grandes mobilisations s'il aboutissait.
Le Premier ministre lui aussi tente de déminer le terrain. Sébastien Lecornu a rencontré des agriculteurs en marge de deux déplacements. Il s'est montré « très dur », selon un témoin, devant le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen, qu'il a reçu fin octobre, pour demander des règles équitables entre les produits européens et ceux importés de pays hors-UE.
L'exécutif est face à un dilemme, décrypte une source proche du dossier: « soit la France dit un non sec » au traité, « ce qui satisferait les forces politiques et agricoles, mais l'accord passe sans correctif ou garanties » ; soit Paris estime que « puisque l'accord a de grosses probabilités de passer, il faut tout faire pour en corriger les effets ».
« Poker menteur »
Alors que le traité Mercosur, qui sera examiné par les 27 Etats membres de l'UE en décembre, pourrait embraser à nouveau les campagnes, « le sujet c'est comment, dans ce contexte si éruptif, peut se faire entendre une voix de compromis », note cette source.
Certains au sein de l'exécutif plaident pour inclure le budget de la Politique agricole commune (Pac) « dans le panier » des négociations avec Bruxelles sur le Mercosur, voire la question des engrais qui inquiète beaucoup les céréaliers.
Annie Genevard entend de son côté continuer à œuvrer auprès des agriculteurs pour faire redescendre la pression.
Restée au gouvernement malgré les consignes du patron des Républicains Bruno Retailleau, il s'agit pour elle d'être utile à sa famille politique en même temps qu'à un électorat agricole qui vote majoritairement à droite, voire à l'extrême droite.
Mais laisser entendre que la France pourrait donner son feu vert au traité Mercosur, « ça ne passe pas » tant « côté territoire très agricole, où le RN peut faire un peu des petits » que « côté plus bobo, plus urbain, parce que c'est anti-écolo », souligne une autre ministre, de retour de sa circonscription. Le président Macron « s'est coupé de sa population en disant cela », « ça le discrédite totalement », selon elle.
Ces négociations sont « un jeu de poker menteur » parce qu'il y a plein de filières agricoles « pour qui c'est super bon », comme la viticulture, fait valoir une autre source au fait des négociations. La France « n'a pas le pouvoir de blocage », donc « il faut qu'on positive », abonde un ministre.
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