Prise de contact, visites de fermes : repreneurs, comment aborder votre cédant
Retrouvez les conseils d’Alexis Melot, conseiller installation-transmission à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, délivrés aux porteurs de projets agricoles dans le cadre de la Quinzaine de la transmission/reprise d’exploitations, qui s’est tenue du 14 au 28 novembre.
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En pleine recherche d’exploitation, vous pensez avoir trouvé celle où concrétiser votre installation agricole et êtes prêt à contacter le ou les cédant(s) ? Le plus souvent, la première mise en relation se fait par téléphone. Mais comment procéder et que dire ? « Comment faire bonne impression et maintenir ensuite de bonnes relations sur la durée ? », appuie l’un des porteurs de projet participant au webinaire « Adopter la bonne posture : on n’achète pas tous les jours une ferme », organisé par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire dans le cadre de la 10e Quinzaine de la transmission/reprise de fermes.
Un autre, après plusieurs tentatives infructueuses, est en attente « de conseils et de méthodes » pour mieux s’y prendre. En amont, vous devez lister vos questions en ciblant ce qui est crucial pour vous : « date de départ, possibilité de changer de productions, systèmes, pratiques, présence d’une maison d’habitation… », énumère Alexis Melot, conseiller installation-transmission. Cela peut paraître évident mais « appelez en dehors des horaires d’astreinte et laisser un message vocal ou un SMS » si vous n’êtes pas parvenu à joindre directement le cédant.
Vous l’avez au bout du fil, « demandez-lui s’il est disponible pour un rapide échange », recommande le conseiller. Et, dans le cas contraire, quel moment lui conviendrait davantage. Vous devez « mener la discussion, prévient-il. Y compris sur des sujets indiscrets voire un peu tabou comme les revenus et les prélèvements privés qu’il dégage, jusqu’au montant de la reprise de ferme, en fonction bien sûr de la confiance qui s’instaure peu à peu. »
De votre côté, vous avez des éléments à apporter à votre interlocuteur. N’oubliez pas de vous présenter, « de plus en plus de personnes ne le font pas », constate Alexis Melot. Ni de spécifier l’objet de votre appel : « Je recherche une exploitation pour…" « Ayez l’offre de reprise sous les yeux » pour pouvoir vous y référer : « J’ai vu telle ou telle chose…" Évoquez puis validez une visite en programmant le jour, l’heure, le lieu de rendez-vous ; et en « précisant qui viendra : vous seul, votre conjoint et/ou votre (vos) associé(s) également ».
« Les cédants peuvent être déstabilisés par une présence à laquelle ils ne s’attendaient pas, explique le conseiller. N’oublions pas qu’ils sont dans une période très forte émotionnellement. » D'ailleurs certains ont la volonté de transmettre mais ne sont pas prêts à quitter leur ferme, ce qui risque d'interférer pas mal dans les relations, comme le soulignent plusieurs repreneurs potentiels présents qui y ont été confrontés.
« S’adapter au profil du cédant »
Là encore, ne vous rendez pas sur la ferme sans préparation. Outre les nouvelles interrogations ayant émergé depuis votre coup de fil, consignées par écrit pour vous en souvenir et les emmener avec vous le jour J (un CV attestant de votre formation, diplômes, stages, expériences professionnelles peut s’avérer rassurant pour le cédant), vous devez vous mettre en posture d’écouter et de comprendre votre interlocuteur. Et pour cela, avoir conscience que vous pouvez être face à plusieurs profils de cédants. Le plus répandu : celui préférant jouer la « sécurité » et obtenir le maximum de « garantie » des repreneurs pour être sûrs de leur « fiabilité », qui veulent « vérifier et prévoir » le plus possible, et qu’il faudra rassurer.
L’écouter et essayer de le comprendre.
Assez fréquent aussi, le profil « fier » de son exploitation et de ce qui a été accompli sur l’ensemble la carrière, en quête de « reconnaissance, d’estime voire d’admiration » et qu’il faudra « valoriser ». Comme celui centré sur « l’argent », focalisé lorsqu’il était en activité sur la rentabilité de sa structure, les bénéfices et les économies envisageables, et donc au moment de la cession de l’exploitation sur le capital qu’il peut en retirer. Il y a, par ailleurs, des cédants plus portés sur la « nouveauté », sensibles aux envies de découvrir, d’innover et de tester des repreneurs.
D’autres sur « l’environnement, l’entretien des paysages, la biodiversité, les pratiques durables ». Certains privilégient la « simplicité et rapidité » et s’avèrent plutôt « arrangeants », ou « la bienveillance et la convivialité » et sont attachés aux « valeurs, la fidélité » en premier lieu. « La connaissance, la compréhension et le respect mutuels » sont essentiels pour eux. Bien évidemment tout n’est pas si tranché, la plupart des personnes que vous rencontrerez mêlent plusieurs de ces caractéristiques.
« Être bienveillant et curieux »
À vous de vous adapter sachant que, quel que soit leur comportement, vous devrez vous montrer « bienveillant, indulgent, curieux » en vous intéressant à la ferme, aux évolutions mises en place et au cédant lui-même : « ses centres d’intérêt, son histoire, ses projets ». « Cela favorise la confiance et peut débloquer ceux qui sont un peu taiseux. Faites preuve d’empathie et ne jugez pas les choix opérés », exhorte Alexis Melot. « Plus vous connaîtrez l’exploitation et les exploitants, plus vous saurez comment les aborder, parler de vous et de vos projets. » « J’ai à cœur de voir ce qui fonctionne et marche moins », commente une future agricultrice assistant au webinaire.
Des sujets doivent être absolument traités. Ils concernent l’entreprise elle-même. Les bâtiments d’une part : sont-ils en bon état, aux normes, fonctionnels, aménageables et adaptables à d’autres productions… ; le matériel de l’autre : est-il en propriété ou non, bien entretenu, quels engins et outils font partie de la cession… ; le cheptel s’il y a une ou des productions animales : son potentiel génétique, son état sanitaire, etc. ; et surtout les terres : la part en vente et/ou location, est-ce que le cédant possède les terrains sous bâti – attention en effet aux constructions sur sol d’autrui – tous les propriétaires sont-ils prévenus de son intention de transmettre ?
Parlez de vous et faites-le parler de lui.
Le parcellaire est-il groupé, drainé, clôturé, avec un accès à l’eau pour l’irrigation ou l’abreuvement éventuellement ? Qu’en est-il du plan d’épandage et du potentiel agronomique, des conditions pédo-climatiques… ? Un organisme tel que la Safer accompagnera-t-il les tractations ? Autant de sujets à creuser avec les agriculteurs en place. « Ils sont souvent très au fait sur le foncier, vu l’impact financier derrière », constatent les candidats à l’installation présents. « Mieux vaut quand même vérifier », met en garde Alexis Melot.
Sans oublier la main-d’œuvre : combien d’UTH, associées, salariées, permanentes et/ou occasionnelles, avec quels types de contrat ? « Le personnel souhaite-t-il continuer à travailler sur la structure une fois reprise ? » Ni les débouchés : quels circuits de commercialisation (longs, courts, vente directe), contrats (et parts sociales) avec des coopératives, des entreprises photovoltaïques… ? L’un des futurs installés en agriculture, inscrit au webinaire, s’informe sur l’organisation du travail et le déroulement d’une journée type, afin de mesurer l’efficacité dans ce domaine et sa capacité à reprendre ou à l’identique.
S’intéresser à l’exploitation et son environnement
Renseignez-vous sur l’environnement socio-économique qui « permet autant de se projeter que l’exploitation elle-même » : le réseau amont et aval des filières, la présence de Cuma, ETA, la dynamique et l’ambiance agricoles, les possibilités d’entraide, comment sont accueillis les nouveaux installés, l’offre de services de proximité (commerces, écoles, médecins)… Avant de revenir sur la ferme elle-même pour obtenir quelques repères technico-économiques : EBE, marge brute, annuités…
« Ne sollicitez pas l’accès aux résultats comptables détaillés dès la première rencontre, tempère Alexis Melot. Soyez sûr avant que votre intérêt est réel, la confiance suffisante et que cela pourra déboucher assez vite sur une étude de faisabilité. » Même si cela peut paraître personnel, interrogez le cédant sur les raisons de sa cessation d’activité car elle peut être motivée, non pas par un départ en retraite, mais par des problèmes de santé, ou des difficultés financières dont il vaut mieux être au courant. Il est important qu’il puisse vous indiquer clairement quand il compte partir et s’il souhaite rester dans la maison d’habitation, la louer ou la vendre.
Arrive alors la délicate discussion sur le montant de la reprise, maison comprise ou non. Il s’agit, en outre, de savoir si une estimation a été réalisée par un expert. « Au fil des rencontres et du temps, six mois à un an avant la transmission de l’exploitation, il faudra figer les prix de reprise des divers biens et signer une promesse de vente chez le notaire pour qu’ils ne soient plus remis en question », préconise le conseiller installation/transmission. Ultime interrogation pouvant être intéressante, complète-t-il : « quel serait, pour vous, le candidat idéal pour reprendre la ferme ? » Pour finir, ne vous quittez pas sans vous mettre d’accord sur la suite : délai de réponse, qui revient vers qui, visites ultérieures avec d’autres intervenants.
« Cela semble évident mais sur le terrain, il n’est pas rare que l’une ou l’autre des parties ne donne pas signe de vie. Quand la visite s’est bien déroulée, chacun risque de s’imaginer des choses. Le cédant pense avoir un repreneur alors que celui-ci est passé à autre chose, et réciproquement, sans nouvelle, il peut avancer avec d’autres candidats. Que de déception et de perte de temps ! » À l’inverse : éviter de prendre une décision à chaud, sans se poser pour analyser cette première visite et réfléchir. « Dans tous vos échanges, veillez à trouver des compromis pour ne pas braquer les cédants et à proposer des solutions. En général, ils apprécient », conclut Alexis Melot.
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