Login

Ailleurs en Europe En Roumanie, une récolte de blé précoce et des volumes dans la moyenne

La moisson du blé a commencé début juin en Roumanie, et presque 45 % des surfaces sont déjà récoltées.

Quatrième plus gros producteur européen, la Roumanie a commencé à moissonner son blé tendre avec trois semaines d’avance. Les volumes nationaux et la qualité semblent au rendez-vous, mais les rendements s’annoncent très variables selon les régions à cause de la sécheresse. Quant au prix, les blocages sur le Danube et la concurrence ukrainienne continuent de peser… et d’irriter.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

En Roumanie, le « top départ » de la récolte du blé a été donné dans l’ouest du pays, en Transylvanie, la première semaine de juin : une avance de trois semaines par rapport aux années précédentes.

Combinées à des précipitations bénéfiques en avril et en mai, les températures caniculaires qui frappent le pays depuis le 15 avril ont joué un rôle majeur dans la maturation du blé et l’accélération de la moisson. Entre 42 et 45 % des surfaces en blé – du blé tendre pour plus des trois quarts — ont déjà été récoltées dans les plaines roumaines.

Les agriculteurs de l’Ouest sont optimistes et décrivent une récolte meilleure qu’en 2023. « Nous avons obtenu une production de 82 000 tonnes, soit une moyenne de 57,1 q/ha. Par rapport à l’année dernière, les productions sont légèrement supérieures », a déclaré à radiotimisoara.ro Pavel Tica, de la direction de l’Agriculture du comté d’Arad.

Dimitrie Musca, à la tête du vaste groupement Combinatul Agroindustrial Curtici (5 000 ha de terres agricoles et 2 500 membres associés), affirme même atteindre des résultats record de 95 q/ha cette année grâce aux investissements massifs qu’il a réalisés.

Avec une moisson de 9,7 Mt en moyenne quinquennale, la Roumanie est le quatrième État producteur de blé tendre de l’Union européenne, derrière la France (34,7 Mt), l’Allemagne (21,9 Mt) et la Pologne (12,7 Mt). Côté surfaces, elle vient de passer devant l’Espagne et occupe aussi la quatrième place.

Alors que les estimations tournaient encore il y a peu autour de 10,4 Mt pour la récolte de blé tendre 2024 en Roumanie, « la maturation forcée par la chaleur et la sécheresse pédologique dans certaines zones » réduisent ces prévisions, note Cezar Gheorghe, spécialiste du marché des céréales et fondateur du cabinet d’analyse Agricolumn.

Il évoque désormais « un niveau réaliste de 9,6 Mt », quand la Commission européenne est plus sévère : 9,4 Mt, d’après sa prévision du 27 juin. En 2023, la récolte atteignait 9,6 Mt sur une superficie de 2,2 Mha (43,6 q/ha en moyenne). En 2022, elle s’élevait à 8,7 Mt sur 2,2 Mha (40 q/ha).

« Tout le blé tendre est en qualité premium »

Et l’on peut s’attendre à des rendements très hétérogènes selon les régions roumaines. Ils sont par exemple attendus inférieurs de plus de 20 % à la moyenne quinquennale dans les zones orientales de Buzau et Braila « en raison de la grave sécheresse survenue depuis les semis », précise Argus media.

Quid de la qualité ? « Ce qui est bien, c’est que le paramètre d’humidité n’est pas dépassé et celui des corps étrangers non plus, la marchandise étant de qualité standard, souligne Cezar Gheorghe. Cette année, tout le blé tendre roumain a une qualité premium, avec des poids spécifiques dépassant 78 kg/hl et une teneur en protéine supérieure à 12 %

En plus du manque d’eau, la situation est compliquée pour certains céréaliers du Sud-est de la Roumanie qui se plaignent de blocages dans les ports du Danube, où ils envoient leurs grains par camion pour qu’ils soient chargés sur des barges avant de parvenir à Constanta pour le grand export.

À l’instar de Stefan Musca, agriculteur à Giurgiu, qui a dû stopper ses travaux après deux jours de moisson : « Cela fait une semaine que nous stagnons car le port de Giurgiu est bloqué et plus aucun camion n’est déchargé ! ».

Il pointe du doigt la stratégie des négociants : « Ils veulent que nous acceptions des offres avec des prix plus bas parce qu’ils savent que nous, petits et moyens agriculteurs, ne disposons pas de beaucoup d’espace de stockage, que nous sommes obligés de vendre et que nous accepterions n’importe quoi juste pour nous débarrasser des céréales ! »

C’est ainsi qu’il a rapidement signé des contrats avec des négociants pour charger le début de sa récolte de blé à Giurgiu, obtenant un prix de 180 €/t.

« Mais le problème, c’est qu’en général, ils renégocient : je leur ai dit que j’aurai encore du blé à vendre une fois que j’aurai récolté mes 100 hectares restants, fin juillet, et ils m’ont proposé un prix de 120 €/t ».

« Les céréales ukrainiennes changent d'origine »

Autre difficulté : la concurrence du blé ukrainien et son poids sur les prix. La peur de se battre avec des prix ridicules monte chez les agriculteurs, notamment dans la plaine du Baragan, où les récoltes s’avèrent désastreuses à cause de la sécheresse.

Avec un blé ukrainien ultra compétitif qui donne le ton sur le marché, « le prix a chuté de façon drastique », passant de 200 €/t à 160 €/t en deux semaines, alerte le céréalier Bogdan Catoi auprès du journal Stiri de Buzau. Avec une production de seulement 7 à 8 q/ha, impossible pour lui de couvrir les coûts des engrais, des semences et du diesel.

À plus grande échelle, le blé ukrainien continue de représenter un problème pour les exportations roumaines.

Alors que depuis 2023 une ordonnance du gouvernement réglemente strictement* l’importation de céréales ukrainiennes sur le territoire roumain (mais en autorise le transit), « les céréales ukrainiennes changent d’origine, passant par la Moldavie, ce qui leur permet d’entrer sans difficulté pour y être vendues », détaille Cezar Gheorghe.

Si bien que le bassin de la mer Noire perd en termes de cotations. Le prix du blé est ainsi tombé sous le seuil des 200 €/t dans le port de Constanta, mais pourrait ré-augmenter dans les mois qui viennent à la faveur de l’offre et de la demande mondiales et de facteurs géopolitiques, poursuit l’expert.

La Roumanie occupe la deuxième place des exportateurs de blé tendre de l’UE. Sur la campagne de commercialisation 2023/24, elle en avait exporté 6,3 Mt d’après les données Taxud de la Commission européenne à la fin juin. Derrière la France (8,5 Mt) et devant la Pologne (4,4 Mt), l’Allemagne (3,2 Mt), la Lituanie (2,6 Mt) et la Bulgarie (2 Mt).

* Les imports de grains ukrainiens en Roumanie sont autorisés sur la base d’un accord de commercialisation délivré par le ministère de l'Agriculture, pour des agriculteurs et transformateurs roumains qui peuvent prouver qu’ils ont besoin de volumes pour reconstituer leurs stocks. La qualité est rigoureusement contrôlée.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement