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De la paille entre les buttes de pommes de terre pour égarer les pucerons

Nicolas Fourdinier constate que le besoin d’épuration peut vite augmenter lorsque des plants se trouvent sous le vent de pommes de terre de consommation.

[Contenu proposé par La Pomme de terre française] Nicolas Fourdinier ne peut que le constater : sur son secteur de la Côte d’Opale, tous les facteurs causant la propagation des virus par les pucerons augmentent. Alors, faute d’insecticide, il expérimente, il innove et il revoit ses plans de production…

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Dans la conduite de ses productions de plants de pommes de terre, Nicolas Fourdinier accorde la plus grande attention aux risques de viroses transmises par les pucerons. Installé depuis 2024 à Verton (Pas-de-Calais), il poursuit une histoire familiale démarrée en 1970 et bénéficie d’une somme de savoir-faire entretenus et capitalisés au fil des décennies par son grand-père, son père et leurs salariés. 

Sur les 173 ha de l’exploitation, 40 ha sont consacrés aux plants de pommes de terre. Le reste se partage entre des céréales, des betteraves, du lin ainsi que des légumes de plein champ pour l’industrie. « En menant nos plants pour moitié chez nous et le reste sur des parcelles empruntées à un voisin à une quinzaine de kilomètres, nous parvenons à maintenir nos rotations dans un rythme minimum de huit ans », éclaire-t-il. La nature de l’environnement et des sols de ce secteur de la Côte d’Opale, à quelques kilomètres de Berck (Pas-de-Calais), explique l’orientation ancienne de la production de plants. « Ici, nous avons des terrains sablo-limoneux riches en petits silex. Leur présence impose de tamiser avant de planter. Jusqu’à une époque récente, cela rendait très difficile la production de pommes de terre de consommation. »

Longtemps, l’exploitation Fourdinier a bénéficié d’un isolement salutaire qui lui a permis de produire l’intégralité de la généalogie de multiplication. Elle partage ainsi, en Cuma avec sept autres producteurs, trois serres protégées des insectes dans lesquelles elle multiplie les G0, ces minitubercules de première génération issus de boutures. Elle enchaîne, ensuite, en plein champ, quatre générations de plants de base avant de les multiplier en semences certifiées. Au fil des années, le schéma de production s’est complexifié. 

« Auparavant, la ferme ne produisait que trois variétés, notamment des Bintje et des Spunta. Pour répondre à la demande, nous sommes montés à sept variétés. En tout, nous travaillons avec quatre collecteurs et avons développé une petite activité de producteur-vendeur de Bintje. En comptant l’ensemble des étapes généalogiques, cela représentait, jusqu’à l’an dernier, un total d’une trentaine de parcelles. À présent, nous sommes redescendus à une vingtaine. » Cette volonté d’alléger le programme répondait autant à une recherche de simplification permettant au nouvel installé de démarrer son activité sereinement qu’à la nécessité de réduire la charge de travail alors que les conditions sanitaires se dégradaient.

Une pression de plus en plus forte

Tous les facteurs entraînant le développement de la pression des virus se conjuguent en effet. « Nous avons de moins en moins de produits insecticides. Les hivers sont moins froids et, tout autour de chez nous, de plus en plus de voisins se sont mis à produire des pommes de terre de consommation », regrette Nicolas Fourdinier.

Pour protéger ses cultures des attaques de pucerons porteurs du virus Y, l’agriculteur a cependant plus d’un tour dans son sac. Le premier est le plus grand éloignement possible de la parcelle de multiplication d’autres cultures de pommes de terre. Ainsi, les pucerons contaminés ont davantage de chance de s’épuiser avant de l’atteindre. « Nous échangeons avec nos voisins pour savoir où ils comptent implanter leurs pommes de terre de consommation. Mais parfois, nous ne le découvrons qu’au moment où ils sortent la planteuse. » Pour peu qu’un champ trop proche se trouve dans le vent dominant et qu’il soit implanté en classe A ou B, le travail d’épuration peut vite augmenter de manière exponentielle. D’autant plus si la variété est vulnérable. « Heureusement, nos trois salariés connaissent bien les comportements des variétés et les marques de virus. Bintje, par exemple, se montre sensible mais s’épure facilement. Mais comme chaque année, les collecteurs nous confient des nouveautés à multiplier. Il nous faut apprendre à les connaître et nous ne savons pas, au préalable, la quantité de travail qu’elles vont nous donner. » 

La parcelle consacrée à la multiplication des plants de base mérite une attention particulière. En plus d’être choisie dans une zone la plus éloignée possible de toutes contaminations, elle est savamment implantée de manière à disposer les précieuses G1 sur les billons du milieu, et ainsi de les protéger grâce à ceux implantés en G2, G3, G4. Ces derniers sont plantés en premier afin que leurs levées devancent celles des plants de souche. « À la récolte, la grande difficulté est d’éviter tout mélange. Pour cela, il faut bien identifier chacune des parcelles et étiqueter toutes les caisses », recommande l’agriculteur.

Des pucerons à divertir

Pour se prémunir des attaques de pucerons, Nicolas Fourdinier utilise également les moyens chimiques. Il a cependant arrêté l’insecticide Teppeki depuis deux ans. Si ce dernier reste autorisé en plants, son interdiction en pommes de terre de consommation présente l’inconvénient de lui fermer un débouché dans le cas où ses productions viendraient à être déclassées. Il préfère donc les applications d’huile minérale qui découragent mécaniquement les piqûres d’insectes. Il a également expérimenté la méthode du purin d’ail, une solution malodorante censée détourner les pucerons. « Il faut y croire ! », dit-il.

Il a aussi essayé les techniques de plantes compagnes. L’objectif est de proposer aux pucerons une cible alternative dans laquelle ils peuvent planter leur rostre à loisir et ainsi le nettoyer de sa charge virale. Une tentative d’implantation de rangs de tournesol n’a toutefois pas donné de résultats vraiment satisfaisants. « Cela nous a demandé du travail car nous avons semé à la main. Malheureusement, comme les tournesols ont levé après les pommes de terre, ils n’ont pas rempli leur office. Une fois fleuris, ils étaient magnifiques. Mais ils ne servaient pas à grand-chose. » 

Des essais de paillage l’ont davantage convaincu. « Nous avons tenté de couvrir nos billons avec du miscanthus et de la paille. La deuxième solution s’est révélée plus concluante. Les pucerons se sont, semble-t-il, montrés incapables de distinguer la paille des premières feuilles de pommes de terre. » Son épandage a néanmoins révélé son lot de difficultés. « L’idéal est d’intervenir juste après le désherbage, avant la sortie des premières feuilles. Pour cela, nous avons utilisé une pailleuse Altec prêtée par un collègue. » La machine portée derrière le tracteur peut emporter de grosses balles carrées. Elle est avant tout conçue pour entretenir la litière des stabulations, mais elle se montre capable d’épandre la paille sur une largeur de trois billons. « Il faut compter environ six balles pour un hectare », estime Nicolas Fourdinier.

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