Prix du blé 2025/26 : « La bataille sera importante entre fondamentaux et rétention »
Le marché du blé aborde la campagne de commercialisation 2025/26 sous le signe de la lourdeur, avec des disponibilités mondiales promises à des niveaux record qui pèsent sur les prix. L’équilibre pourrait toutefois se jouer sur la rétention de l’offre côté agriculteurs, confrontés au manque de rentabilité de la culture, notamment en France.
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« Ce qui va diriger les prix tout au long de la campagne, c’est une bataille entre fondamentaux assez lourds et, en face, une rétention forte de la part des producteurs », estime l’analyste Maxence Devillers, à l’occasion d’un point presse organisé le 28 août par Argus Média France (ex-Agritel) autour des perspectives 2025/26 sur le marché du blé
Côté offre, le marché sera, de fait, bien approvisionné. Après une récolte 2024 catastrophique, l’Union européenne retrouve des disponibilités abondantes : Argus Média estime sa production totale de blé à 152 Mt, contre 131 Mt l’an dernier, tirée par des récoltes record en Bulgarie et en Roumanie et par le rebond français.
Ce qui porterait à 175 Mt les disponibilités européennes en blé sur la campagne de commercialisation, soit 10 Mt de plus que sur 2024/25. Autre facteur de lourdeur : les stocks de fin de campagne sont attendus à 19,4 Mt, leur plus haut niveau depuis 2017/18.
Les disponibilités à l’export s’annoncent « correctes » en Mer noire (58 Mt), grâce à une production « résiliente » en Russie (86 Mt sans les territoires occupés, en hausse de 5 Mt sur un an) et « correcte malgré une météo défavorable » en Ukraine (presque 22 Mt, proche des niveaux de 2023 et 2024).
Surtout, une production exceptionnelle semble se profiler dans l’hémisphère Sud : « sans catastrophe de production », les disponibilités en blé de l’Australie et de l’Argentine pourraient en tout dépasser 62 Mt, frôlant les records de 2021/22.
Stocks finaux élevés chez les grands exportateurs
Si bien que pour la première fois, la production cumulée des huit principaux pays exportateurs de blé devrait dépasser les 400 Mt.
Côté demande, les équipes d’Argus Média n’attendent qu’une « reprise timide » des besoins mondiaux en importations, « corrects mais sans être extraordinaires ».
Le marché mondial du blé s’oriente donc vers un alourdissement sur cette campagne, avec des stocks finaux de blé anticipés à 69 Mt chez les principaux exportateurs, au plus haut depuis 2017/18.
Cette lourdeur risque de peser sur les prix, et un autre élément pourrait indirectement accentuer le mouvement : le marché « globalement lourd du maïs », lesté par la récolte étasunienne qui s’annonce record (412 Mt selon Argus Média, + 35 Mt/2024), et finalement peu affecté par le « nouvel accident de production » attendu en Europe.
Sur les prix du blé tendre, « une tendance baissière se met en place à court terme chez les grands exportateurs », en lien avec l’arrivée tardive des récoltes russes et ukrainiennes sur le marché export. « On voit une nette chute sur la zone Europe et Mer noire, avec des prix entre 220 et 230 $/t (FOB), des niveaux similaires à ce qu’on avait connu l’an dernier en septembre », observe Maxence Devillers.
Pour les semaines et mois qui viennent, dans un contexte de pression baissière liée aux fondamentaux, « tout l’enjeu sera celui de la rétention de la part des producteurs », qui pourrait amener un peu de tension au marché.
Car partout dans le monde et particulièrement en France, le sujet de la rémunération s’annonce central, avec des prix insuffisants face aux coûts de production.
Il manque 30 €/t pour couvrir les coûts
De fait, les prix français dégringolent depuis début 2025, catalysés par une pression concurrentielle accrue sur le marché mondial et par la hausse de la parité eurodollar. Le blé meunier rendu Rouen (base juillet) est ainsi passé de plus de 230 €/t en janvier à un peu plus de 190 €/t ces jours-ci.
Or, après l’explosion des charges à partir de 2022, Argus Média estime le coût de production moyen du blé tendre en France à 200 €/t pour 2025. Et les rendements plus favorables de cette année ne permettent pas de compenser la baisse des prix de vente : le cabinet estime qu’il manque 30 €/t aux producteurs pour atteindre le seuil de rentabilité.
Pour Gautier Le Molgat, directeur général d’Argus Média France, ces difficultés économiques sont loin d’être isolées : « Il n’y a pas un seul endroit où les agriculteurs ne se plaignent pas de la rentabilité, sauf là où les prix sont garantis par l’État (…), on est face à un effet-ciseau mondial, avec une baisse des prix mondiaux plus rapide que la détente des prix des engrais ».
Pour autant, « le problème est un cran supérieur en France, parce qu’on a nos charges européennes et franco-françaises, qui ajoutent un niveau supérieur de compétitivité, et donc de baisse de rentabilité ».
Face à la lourdeur du marché mondial du blé, une rétention prolongée des producteurs mondiaux pourrait donc contraindre l’offre. Et, complète Maxence Devillers, la demande pourrait « être stimulée par des prix très bas pour les importateurs », ce qui pourrait aussi favoriser un rebond des prix.
Une montée des tensions géopolitiques, des mouvements sur les devises et la météo de 2026 pourraient par ailleurs « raviver la volatilité » sur la campagne 2025/26.
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