Accélérer la décarbonation sans attendre le calendrier politique
Au Salon de l’agriculture 2023, la filière céréalière annonçait le lancement de sa feuille de route afin de fixer la stratégie de décarbonation aux horizons 2030 et 2050. Sans attendre, les acteurs de terrain œuvrent au déploiement des leviers qui visent à réduire les GES et stocker le carbone afin que l’agriculture française prenne toutes ses responsabilités dans les trajectoires d’atténuation du changement climatique.
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Quel agriculteur peut affirmer qu’il n’a pas vécu un événement météorologique inhabituel ces dernières années. Vagues de chaleur, gels tardifs, inondations… d’ores et déjà, les impacts sur les cultures sont avérés. Un contexte qui force le secteur à accélérer sa décarbonation en baissant ses émissions de GES et en augmentant le stockage de carbone dans les sols.
Quelques rappels législatifs sur le sujet. À quelques semaines de la COP 21 à Paris en décembre 2015, la France lance, sa stratégie nationale bas carbone (SNBC), autrement dit sa feuille de route pour lutter contre le changement climatique. La première mouture voit le jour en 2019 en parallèle de la Loi Climat et résilience qui engage le Vieux Continent vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’Europe s’est fixée un point d’étape en 2030 « fit for 55 » qui acte d’une baisse des émissions de GES à 55 % en référence à l’année 1990.
La SNBC est régulièrement révisée afin de déterminer de nouveaux objectifs par périodes quinquennales. La dernière version SNBC 3 s’applique à aligner les objectifs français sur les engagements européens. Elle définit les nouveaux « budgets carbone » en cohérence avec l’objectif de neutralité. Le budget carbone correspond à une quantité maximale d’émissions cumulées de CO2 et autres GES.
Les activités fortement émettrices comme l’agriculture, considérée comme le deuxième secteur émetteur (19 % des émissions de GES en France), derrière le transport, sont tenus d’établir des feuilles de route de décarbonation. À noter que dans le cadre du SNBC 3, les feuilles de route devaient être fournies au gouvernement le 1er janvier 2023.
Lors du Salon de l’agriculture 2023, la filière céréalière lançait le chantier, « s'engageant, avec les exploitations de grandes cultures, dans la co-construction d’une feuille de route carbone, qui sera finalisée d’ici fin 2023. Elle vise à fixer la stratégie de décarbonation aux horizons 2030 et 2050 ». Ainsi, via les interprofessions, toutes les filières sont mises à contribution. Mais à l’heure où l’on écrit ces lignes, il n’y a toujours pas de communication sur le sujet.
Le terrain déjà à pied d’œuvre
Du côté du CNIPT, le comité national interprofessionnel de la pomme de terre, confirmation est faite que toutes les parties prenantes sont mobilisées. Benjamin Louvrier, en charge du service recherche, développement et qualité au sein de l'organisme, précise : « Sur le maillon de la production, le prisme de la culture n’est pas une bonne échelle de réflexion. Il faut considérer l’exploitation dans sa globalité. Intercéréales s’est donc emparée du sujet en travaillant avec l’ensemble des parties prenantes. »
Cependant, le responsable indique être mobilisé pour la rédaction de la feuille de route de l’aval, « du champ jusqu’au magasin ». « Sous forme d’enquêtes, nous établissons le bilan carbone de ce maillon, en collectant les données auprès des producteurs, coopératives et négoces. Dans un deuxième temps, il s’agira de définir les leviers sur lesquels il y a une marge de manœuvre pour réduire les émissions directes et indirectes. Forts de ces éléments, nous élaborerons pour la filière des scénarios de travail qui répondent aux objectifs du SNBC 3. Les livrables sont prévus d’ici la fin d’année 2024. »
Du côté de Terres Inovia, l’institut technique de la filière des huiles, protéines végétales et chanvre, Anne Schneider, chargée d’études durabilité des systèmes et légumineuses, balaie d’un revers de main l’agenda politique : « Les instituts techniques s’emparent du sujet, sans attendre les calendriers politiques. La prise de conscience est réelle, à travers le label bas carbone en grandes cultures, on travaille le sujet depuis un certain temps. Il nous faut désormais affiner les données pour qualifier et quantifier les écobénéfices. Et surtout, les faire-valoir afin que l’agriculteur en tire aussi un avantage financier. C’est la condition sine qua non pour faire adhérer massivement les agriculteurs. »
Étienne Duclos, directeur et fondateur de Sysfarm, qui met en lien agriculteurs, porteurs de projet et entreprises, va dans le même sens. Le jeune entrepreneur estime qu’en trois ans d’existence, quelque 250 000 hectares ont été engagés dans une démarche de décarbonation, ce qui représente quelque 350 000 tonnes d’économies potentielles de CO2, à travers des projets individuels ou collectifs.
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