Installé il y a une vingtaine d’années sur l’exploitation familiale de type céréalière dans la plaine de Caen (14), Emmanuel Boulon juge ses pratiques comme plutôt sobres en matière d’intrants. « Je suis adepte du sans labour pour préserver la vie du sol, et j’essaie d’optimiser de façon rationnelle mes intrants. J’avais notamment un partenariat avec un éleveur pour de l’échange paille/fumier. Il s’est arrêté donc j’essaie depuis de restituer au maximum les pailles au sol. »
Sur cette question de décarbonation, Emmanuel Boulon est convaincu : « l’agriculture a un rôle à jouer quant au stockage du carbone, mais il faut pouvoir le quantifier pour mieux accélérer le déploiement des pratiques vertueuses ». Il s’est lui-même engagé auprès de SysFarm pour faire un état de lieux de ses pratiques et mobiliser les leviers appropriés pour orienter l’exploitation sur cette voie.
La société Sysfarm accompagne sur le terrain, les agriculteurs dans leur trajectoire. Elle fait le lien entre agriculteurs, porteurs de projets et entreprises qui s’engagent dans la lutte contre le réchauffement climatique.
1 à 1,5 t/ha et par an
À l’origine, Emmanuel Boulon précise que Sysfarm cherchait des producteurs de lin textile, pour un client du prêt à porter. Le lin textile est une culture industrielle emblématique des exploitations normandes. En effet, la Normandie concentre pas moins de 50 % de la production mondiale de lin fibre. « Il est évident que par comparaison au coton, le lin textile a beaucoup d’atouts à faire valoir en matière d’empreinte environnementale.
Produit localement et peu gourmand en intrants, il séduit de plus en plus de grands noms du prêt à porter », explique l’agriculteur. Toutefois, si on doit le comparer à une culture classique des rotations céréalières, son cycle végétatif très court, et le fait qu’il n’y ait pas de résidus au sol, pourraient le discréditer, mais il fait partie intégrante de l’équilibre économique des exploitations normandes, et qu’à défaut de stocker du carbone dans les sols, il est stocké dans les vêtements ! »
Ce type de partenariat court pour une durée de 5 ans, évidemment reconductible. « Ce qui m’intéressait, c’est que l’on ne s’engage pas sur un objectif trop contraignant. Nous sommes rémunérés sur un résultat quantifié, autrement dit, à la tonne de carbone stockée », explique Emmanuel Boulon. Le premier bilan carbonea été réalisé en 2022. « Verdict : environ 1 tonne à 1,5 tonne de carbone stocké/hectare/an, sur la partie grandes cultures de l’exploitation. C’est une donnée tangible qui me permet de me situer, mais je concède que je m’attendais à un meilleur résultat, ce qui signifie que j’ai encore une bonne marge de progression », commente l’agriculteur.
Capitaliser sur les couverts végétaux
Afin de réduire la partie émission de GES, l’agriculteur normand a investi sur du matériel et des pratiques plus économes en carburant. « J’ai désormais une moyenne d’environ 60 l/ha, cela peut être encore amélioré mais c’est un pas », commente-t-il.

S’agissant de la séquestration du carbone dans les sols, le broyage des pailles est devenu systématique, tout comme l’implantation de couverts végétaux. « J’avais tendance à me contenter du minimum pour répondre aux contraintes réglementaires, mais j’ai désormais une réflexion un peu plus poussée sur la pratique, y compris pour les intercultures courtes. Dans notre région, il n’est pas toujours facile de semer un couvert juste derrière nos récoltes, il faut donc chercher à favoriser les repousses pour pouvoir séquestrer au maximum le carbone dans les sols », explique-t-il.
« J’ai des marges de progrès, j’en suis conscient, et la réalité de ce premier bilan carbone est un vrai outil d’aide à la réflexion. Au-delà de l’aspect financier, susceptible de rétribuer les pratiques vertueuses, il faut y voir les bénéfices agronomiques. En une vingtaine d’années, je suis parvenu à rehausser le taux de matières organiques de mes sols de 1,2 % à 1,8 %. On mesure les progrès sur un laps de temps relativement long, mais je sais que je suis dans une démarche de progrès continue et vertueuse », insiste l’agriculteur.
Un engagement qui, comme il le souligne, lui permet de rester libre dans ses approches. L’objectif est bien d’avoir des résultats factuels et quantifiés pour avoir un état des lieux de départ et contribuer à l’échelle du système et sur le long terme à stocker du carbone et atténuer les effets du changement climatique.