Au cœur de l’usine Duro, un spécialiste qui a le vent en poupe
Porté par le succès de sa trémie frontale Éole, le constructeur de la Beauce s’est forgé une image de fabricant pointu, concentré sur l’agriculture de conservation et les machines techniques. Reportage.
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Avec sa cotte bleue et ses mains qui sentent la mécanique, il file dans l’usine, une minute à la soudure, l’autre à l’assemblage. Cet homme partout à la fois n’est pas le chef d’atelier, c’est le patron : Nicolas Pommier, le dirigeant de Duro-France, basé à Éole-en-Beauce en Eure-et-Loir. Une éthique de travail qui imprègne l’entreprise et ses 26 salariés. « L’argent que l’on gagne, on le réinvestit dans l’outil de production pour améliorer constamment la qualité de notre matériel », souligne-t-il.
Des mots concrets : une découpe laser tube, qui avale des profilés de 12 mètres, est arrivée au printemps. Aussi à l’aise avec l’acier que l’inox et l’alu, c’est la quatrième plus grosse machine de ce type en Europe.
Plus souple qu’une scie, elle découpe mais aussi usine, taraude, perce… « On peut faire des imbrications, pour pouvoir mettre plus de soudure après », explique Stéphane Pain, le directeur commercial. La bête pratique aussi le fluoperçage, qui modèle le métal en repoussant la matière.
Cet équipement haut de gamme rejoint les derniers investissements, la cabine peinture poudre – « On sous-traitait auparavant, il y avait parfois des retours, alors on s’est équipé » – et une plieuse laser qui affiche une pression colossale de 220 tonnes sur 3 mètres. Duro revendique son autonomie.
Une découpe jet d’eau travaille même le téflon, le plastique… « On achète des feuilles et on fabrique », raconte le directeur commercial. Le magasin se limite à la visserie et aux consommables. Une indépendance qui traduit une ambition : « On est clairement équipé pour aller plus loin », reconnaît Stéphane Pain.
Et pourtant, Duro revient de (très) loin. La société est née en 1952, au nord de Chartres, en Eure-et-Loir, sous l’impulsion de messieurs Dupond et Roger. Pour l’identité de la marque, pas besoin de 200 réunions et brainstormings, coller les premières syllabes des noms des fondateurs suffisait à l’époque. Au temps de la charrue triomphante, l’activité se concentrait uniquement sur cet outil.
Duro connaît des hauts, produits jusqu’à 430 charrues par an, puis décline. Quand Guy Pommier, le père de Nicolas, rachète la société en l’an 2000, « il ne restait plus rien, même pas un boulon », se souvient-il.
Alors à la tête du leader mondial de la rampe aluminium pour pulvérisateur, il cherchait à se diversifier. « L’idée, c’était d’avoir un commerce en plus. J’en ai eu vent par un notaire. Il vendait ça avec les bâtiments », poursuit-il. Duro était alors à Illiers-Combray, toujours en Eure-et-Loir.
C’est sur le fief historique de Pommier à Éole-en-Beauce que Duro redémarre pour de bon en 2003, deux entités propres mais un site de production imbriqué, avec le lancement du Compil, un déchaumeur à bèches roulantes, toujours au catalogue.
C’est aussi à cette époque que l’histoire de Duro croise celle d’un agriculteur de Mayenne, Pierre Jallu. « On s’est rencontré sur un salon. Il est venu avec une idée de dent droite de décompacteur. Il a insisté longtemps. On a fini par la fabriquer », sourit Guy Pommier. La dent Jallu est aujourd’hui emblématique de Duro. « Sur nos Strip-tills, c’est elle en version réduite à 60 % », détaille Stéphane Pain. Elle n’a presque pas changé : les pièces d’usure indépendantes permettent aujourd’hui ne changer que la partie fatiguée.
Le Strip-till débarque en 2011, le semoir à dents Evo arrive en 2020 puis la trémie frontale Éole décolle. « Nous avions distribué ce type de machine via Sulky puis Monosem. Nous étions familiarisés avec mais c’était une première pour nous, on partait d’une page blanche, sans contrainte industrielle. Le prototype date de 2020 et les trois premières pré-séries de 2021. On bénéficie d’un bureau d’études proche du terrain et d’un patron qui n’est pas du genre à tergiverser, on réagit très vite », résume Stéphane Pain.
L’Éole propulse Duro dans une autre dimension. La trémie frontale en inox de série représente 45 % du chiffre d’affaires, qui grimpe à 5,8 M€ en 2024, moins que le pic à 7,3 M€ de 2023, mais plus que les 5 M€ de 2022. Une nouvelle version sera dévoilée lors d’Innov-Agri les 2, 3 et 4 septembre à Outarville (Loiret).
Duro commence à gagner l’Allemagne. La présence dans les Pays de l’Est, historique, se poursuit. Un agriculteur de la Beauce, qui avait des terres en Pologne, était parti avec le Compil, le Strip-till… Les machines ont séduit, il en importait. Héritage de cette période, le site internet de Duro est toujours disponible en français… et en polonais.
Les marchés étrangers sont parfois synonymes de machines hors-normes, comme un Strip-till de 18 rangs, à 45 cm d’écartement, alimenté par une trémie de 12 000 litres, soit 4 Éole soudées à la file sur un châssis sur-mesure. De quoi donner du grain à moudre au bureau d’études…
Sur le marché français, Duro a arrêté la vente directe et passe par un réseau de distribution. « On continue la même qualité de prestation. Ce sont toujours nos techniciens qui assurent la mise en service », met en avant Stéphane Pain, arrivé en avril 2022, après 27 ans en concession. Aucune machine n’est montée sans commande préalable : « Faire à l’avance fige l’équipement et les options, cela ne correspond pas à notre image de spécialiste ».
Tous les bâtis sont stockés dehors à l’air libre pour rouiller. Au sablage, le rouille emporte le « gras » sur métal, et laisse une surface extrêmement propre avant la mise en peinture. Deux couches sont appliquées, d’abord en gris, puis en nouveau vert Duro, créé en 2021 pour le 1000e décompacteur. La peinture poudre, devenue indispensable avec l’Éole qui reçoit de l’engrais, profite à toute la gamme. La peinture liquide a été conservée pour les pièces type vérins et essieux.
L’usinage se déroule entièrement sous lubrification, pour éviter l’échauffement et garder les caractéristiques physiques de la pièce. Tout est poli, les angles cassés. Des vieilles machines-outils ont été conservées : elles confectionnent les gabarits de soudure.
Rien ne sort sans avoir été testé. Il n’y a pas besoin d’aller bien loin : l’usine abrite une exploitation de 80 hectares, gérée par Stéphane Cordier, le technicien démonstrateur de Duro !
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