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Marché du blé Le marché mondial est suspendu à la situation en Mer Noire

L'hypervolatilité domine sur le marché du blé et, si l'heure semble être à la détente des cours, la situation peut basculer à tout moment. (©AdobeStock)

Vu les marges de manœuvre limitées des autres bassins exportateurs, le marché du blé est très tributaire des exports russes et ukrainiens, explique Agritel. Les prix restent hauts et, malgré une détente relative, la situation peut basculer si la montée en puissance des exportations de la Mer noire ne se concrétise pas.

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L e marché du blé est particulièrement tendu et très dépendant de la situation en Mer noire. C’est ce qu’a expliqué Nathan Cordier, chef analyste chez Agritel, lors d’un panorama des marchés agricoles organisé par le cabinet de conseil, le 30 août.

De fait, les bilans s’annoncent tendus dans les autres bassins exportateurs. Avec une récolte européenne marquée par de « fortes disparités en rendement comme en qualité », Agritel évoque des « disponibilités moyennes » tous blés dans l'UE pour la campagne de commercialisation 2022/23 (144,3 Mt).

Les exportations ont de leur côté démarré sur les chapeaux de roue et devraient cumuler 33,5 Mt sur l’ensemble de la campagne (+ 3,3 Mt par rapport à la moyenne quinquennale), ce qui amène vers une tension du bilan européen : les stocks de fin de campagne tomberaient selon Agritel à 10,3 Mt, et le ratio stocks/utilisation dépasserait à peine 10 %.

En Amérique du nord, les productions étasunienne et canadienne rebondissent par rapport à l’an dernier, mais les disponibilités demeurent inférieures aux années précédentes et les stocks de blé nord-américain devraient rester faibles : 20,7 Mt pour 2022/23, contre 21,4 Mt en 2021/22 et une moyenne quinquennale de 31,12 Mt.

Le blé de la Mer noire, « plus que jamais la clé de l’équilibre des marchés mondiaux »

En face, la Russie se dirige vers une récolte record qui mènerait pour la première fois les disponibilités russes au-delà de 100 Mt. « La clé du marché sur cette campagne, ce sera les exports russes », explique Nathan Cordier. Ils pourraient culminer à 42 Mt, même si la campagne a commencé « timidement ».

Autre clé : les exports ukrainiens. Malgré une production en baisse, les stocks portent les disponibilités à presque 25 Mt pour 2022/23, un volume bas mais « pas catastrophique », et l’ouverture du corridor d’exportation a permis d’expédier 250 000 tonnes de blés ukrainiens au mois d’août au départ de Tchornomorsk, Odessa et Youjne.

Les marchés demeurent suspendus à ces exports et « restent très nerveux : s’il y a de nouveaux blocages des exports ukrainiens ou si la Russie ralentit la cadence, on revient sur une situation à risque », prévient l’analyste.

Il pointe une « double dépendance » : en plus des exports, les marchés mondiaux sont aussi tributaires des blés disponibles en fin de campagne chez les exportateurs de la Mer noire - Russie, Ukraine, Kazakhstan.

Agritel annonce en effet des stocks de fin « colossaux » pour ces trois pays, représentant 43 % des stocks des huit principaux exportateurs mondiaux (contre 15 % en 2019/20, 25 % en 2020/21, 33 % en 2021/22). Une situation inhabituelle, qui rend l’équilibre des marchés particulièrement vulnérable envers la situation en Mer noire.

Des prix très volatils, qui se tassent… « mais rien n’est acquis »

La situation est donc tendue sur les marchés mondiaux du blé, « d’autant plus que la demande reste dynamique », dans un contexte de baisse de la production mondiale de maïs (UE, USA) et de report de la demande de l’alimentation animale du maïs vers le blé.  

Pour Agritel, la demande mondiale en blé en 2022/23 dépassera même les disponibilités réellement exportables des huit grands exportateurs, rappelant d’autres années tendues comme 2007, 2010 ou 2012. « La solution sera de taper dans les stocks », juge Nathan Cordier.

« L’hypervolatilité marquera encore le marché du blé dans les mois à venir, résume Michel Portier, le directeur du cabinet. Les stocks de céréales sont faibles, le risque climatique est désormais courant, l’incertitude géopolitique domine, le contexte macro-économique inquiète et enfin la crise énergétique menace la demande industrielle en Europe ».

Pour Nathan Cordier, « les acteurs du marché cherchent à croire à la détente » engagée depuis quelques semaines. Mais si « les prix se tassent », « rien n’est définitivement acquis » et ils pourraient à nouveau grimper « si la montée en puissance des exportations de la Mer noire n’a pas lieu ». Pour lui, ils ont peu de chance de descendre sous les 300 €/t sur Euronext dans les semaines qui viennent.

Mais en cas de baisse des cours en 2023, la situation s’annonce à risque vu l’explosion des coûts de production des céréales (engrais, phytos, matériel, énergie…). Pour les producteurs de blé tendre français, Agritel les évalue à 241 €/t en 2023, contre 201 €/t en 2022 et 161 €/t en 2021. « La marge est faible, s’inquiète Nathan Cordier. Il ne faudra pas d’accident climatique… ».

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