Prix du blé : « Même s’il y a une hausse, elle sera limitée pour cette campagne »
Dans un marché céréalier sous pression, Julien Van Walleghem, responsable collecte du Groupe Carré dans les Hauts-de-France, fait le point sur la campagne en cours et les tendances 2026, et livre ses conseils pour sécuriser les décisions commerciales.
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Terre-net : Comment se déroule la campagne de commercialisation sur le territoire couvert par le Groupe Carré ? Quels arbitrages observez-vous chez les agriculteurs : sécurisation, rétention ?
Julien Van Walleghem : Il n’y a pas beaucoup de rétention : les agriculteurs ont besoin de trésorerie, donc ça vend tous les jours. Aujourd’hui, ils ont vendu un petit 50 % (l’interview a été réalisée le 26 novembre, NDLR). Ils sont plutôt avancés en colza et en maïs, en retard plutôt en blé et en orge. Il y a trois semaines, quand le marché bougeait, les ventes ont bien avancé. Sinon, quotidiennement, on achète quand même un peu de quantité parce que les besoins en trésorerie se font sentir.
On sait que les fondamentaux sont lourds sur la campagne actuelle : peut-on encore craindre une dégradation des prix, ou envisager une embellie ?
« Oui, le marché est lourd. L’Argentine et l’Australie annoncent de très bonnes productions, et l’Argentine vient nous concurrencer directement sur la partie Afrique. D’un autre côté, aux prix sur lesquels on est aujourd’hui, on reste compétitifs. Une nouvelle baisse dépendrait surtout de nos concurrents : si leurs prix baissent et qu’on est obligés de suivre. Cette situation limite un peu la marge de baisse.
Ce qui fera varier les prix, ce sont surtout les facteurs géopolitiques - notamment la parité monétaire et la puissance du dollar en fonction des décisions de la Réserve fédérale américaine -, les tensions logistiques ou encore les risques météorologiques sur la prochaine campagne, plutôt à partir du printemps. Mais l’évolution sera de toute façon restreinte : même s’il y a une hausse, elle sera limitée pour cette campagne.
Pour 2026, quelles tendances pourraient impacter les prix du blé à l’échelle mondiale ? Peut-on anticiper une baisse marquée des surfaces ?
Non, ça va baisser un peu, mais je ne suis pas sûr que ça baisse drastiquement. En Europe, la problématique vient surtout des taxes sur les engrais, qui compliquent vraiment les choses. Les charges évoluent fortement chez nous, mais ce n’est pas le cas ailleurs. Effectivement, les marges des céréales sont réduites, ce qui limite un peu l’envie de faire plus, mais je pense que les producteurs continueront malgré tout à semer.
Pour l’heure, les négociations en cours autour de l’Ukraine ont-elles un impact sensible sur les marchés ?
Ça ne joue que légèrement. Tant qu’il n’y a pas de problème sur le flux, ce qui se passe au niveau de la Russie et de l’Ukraine ne change rien. Le seul risque, c’est si un problème intervient sur le transport de la céréale, ou le stockage, ou les exportations : cela pourrait se répercuter sur toute la chaîne
Aujourd’hui, ce qui nous "protège", c’est que la bonne récolte russe se trouve plutôt dans les terres, au centre du pays ou côté Sibérie. Le coût pour acheminer ces céréales jusqu’à l’export est bien plus élevé que par le passé. Dans le sud de la Russie, là où les flux vers les ports sont directs, la qualité et les rendements ne sont pas au rendez-vous : ils nous écrasent donc moins que les années précédentes. Mais si l’année prochaine ils font une bonne récolte dans le sud, ils redeviendront beaucoup plus agressifs. Sachant qu’ils le sont déjà relativement.
Avec la baisse des prix du blé et la hausse du coût des engrais, quelles recommandations faites-vous aux agriculteurs pour les semaines à venir ? Quels pièges éviter dans ce contexte tendu ?
On a accompagné nos agriculteurs pour qu’ils aient déjà vendus 50 à 60 % de céréales. On les avait aussi fait vendre avant moisson, pour étaler le risque. Pour ceux qui n’ont rien fait, il faudrait peut-être se sécuriser un minimum. Ceux qui sont bien avancés peuvent se permettre d’attendre un peu.
À court terme, je pense que le blé va rester stable dans une petite fourchette, entre 185 et 195 €/t. Après, chacun doit adapter sa stratégie : est-ce qu’il est joueur ou pas, est-ce qu’il joue la sécurité, est-ce qu’il a besoin de trésorerie ? S’il a besoin de tréso, est-ce qu'il joue jusqu'au bout, en prenant le risque d’être dos au mur et obligé de bouger au mauvais moment ? Ou est-ce qu’il avance tant que le marché reste au milieu ou en haut de la fourchette ?
Et à moyen terme ?
À moyen terme, tout dépendra de ce qui se passe sur la nouvelle campagne. La logique, c’est de répartir ses ventes pour répartir son risque. Cette année, le marché est fait et tout ce qui le ferait bouger serait lié à des événements imprévisibles. Il y a un risque par rapport aux fondamentaux qui sont lourds : s’il ne se passe rien, ça continuera à baisser. Il faut donc sécuriser les ventes. Et s’il se passe quelque chose, il restera des volumes pour avancer. Après, chacun doit s’adapter à ses besoins de trésorerie.
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