Reportage En Loire-Atlantique, comment des producteurs de chanvre structurent une filière courte
Ils étaient 8 il y a 15 ans, 24 aujourd’hui. En Loire-Atlantique, l’association Chanvre et paysans, créée par quelques producteurs passionnés, leur a permis d’acquérir des compétences techniques de la mise en culture à la commercialisation. Une micro filière de chanvre fermier s’est peu à peu structurée.
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Le chanvre a beau pousser tout seul, à la fin il faut le récolter, et c’est là que ça se complique. Les quelques producteurs que comptait la Loire-Atlantique avaient besoin de s’échanger des tuyaux, lorsqu’ils ont fondé leur association Chanvre et paysans en 2008. Ils voulaient aussi travailler collectivement sur la valorisation de leur production, parce que sans débouchés, ça ne sert à rien de produire. Ils étaient 8, ils sont désormais 24 adhérents, mais pour une surface totale de seulement une vingtaine d’hectares, car le chanvre est une production secondaire, chez ces agriculteurs. Au fil des ans, une micro filière courte a finalement vu le jour.
Au départ, produire du chanvre, c’était avant tout pour allonger leur rotation et mieux lutter contre les adventices. D’autres voyaient là un bon moyen d’isoler leur future maison. « On voulait échanger techniquement sur la culture, éviter de reproduire les erreurs des autres, savoir comment utiliser la paille en autoconstruction », raconte Guillaume Vallée, producteur à Pontchâteau, à 25 km au nord de Saint-Nazaire.
La « problématique récolte »
S’ils ont galéré sur la récolte, c’est parce que le chanvre, c’est haut et c’est filandreux. Cela se fait en deux temps. Il y a d’abord un premier passage de moissonneuse pour la graine (chènevis). Les têtes de chanvre peuvent atteindre trois mètres, alors on lève la barre de coupe au maximum. On trie et sèche les graines juste après, puis il faut repasser dans la parcelle pour la paille, avec une faucheuse andaineuse à section. Deux possibilités : ensiler les andains directement au champ ou bien presser les andains en rounds et les stocker pour un ensilage plus tard pendant l’hiver. « Il faut prendre son temps pour l’ensilage, Il faut y aller doucement, garder de la réserve sinon ça bourre ou ça colle », recommande Guillaume Vallée. Mais « la partie fauche est maintenant maîtrisée, et l’ensilage – broyage se passe plutôt bien », se réjouit l’éleveur de 40 ans.
Cela se passe bien chez lui, mais ce n’est pas le cas chez tous les producteurs. Les Cuma et ETA refusent parfois de faucher, ensiler ou moissonner, alors certains préfèrent laisser la fibre au champ et passent juste un coup de covercrop.
L’étape de transformation est également contraignante, il faut passer la paille dans un outil de triage pour séparer la laine de la chènevotte. Pour cela, il faut du matériel. L’association a permis d’investir il y a une dizaine d’années dans un trieur rotatif mobile, un “trommel” qui va de ferme en ferme, et qui permet d’obtenir un produit brut directement utilisable par les artisans. C’est un prototype, il n’en existe pas deux en France.
Travailler sur les débouchés
Au fil des ans, le collectif a levé des freins techniques ou mécaniques, les anciens épaulent les nouveaux producteurs pour leur itinéraire technique, la densité de semis ou le séchage des graines. L’association permet aussi de mutualiser les achats de semences ainsi que l’accès à la clientèle. « Les gens nous appellent, on les renvoie vers le producteur le plus proche de chez eux », explicite Guillaume Vallée. Le collectif, accompagné techniquement depuis trois ans dans le cadre d’un GIEE, a par ailleurs fait analyser ses produits par un organisme certificateur. L’enjeu ici est celui de la valorisation, il s’agit de sécuriser la filière paille. « Les artisans nous poussent à améliorer la qualité, avoir un produit qui soit régulier ». Ils constituent un tiers des débouchés des produits isolants, le reste étant la clientèle des particuliers. Le chanvre fermier étant 30 % plus cher que le chanvre industriel, il faut prendre le temps d’expliquer la plus-value environnementale, l’enjeu de territoire, le mode de culture.
Les adhérents de Chanvre et paysans s’intéressent depuis quelques années seulement à l’autre débouché du chanvre, la graine et l’huile, qui offrent une valeur ajoutée intéressante. La graine peut être pressée pour l’huile (20 à 30 € le litre) ou bien vendue décortiquée (pour l’alimentation humaine) après un tri très sévère à la table asymétrique et au trieur optique. Le sachet se vend à plus de 25 €/kg. « Les deux débouchés, graine et paille, tendent à s’équilibrer aujourd’hui », constate Pauline Rio, animatrice à la FD Civam 44, qui les accompagne techniquement.
Communiquer pour maintenir une dynamique
Si l’association et le GIEE ont permis de progresser de la mise en culture à la commercialisation, « la dynamique peut vite s’essouffler, constate le président Guillaume Vallée, le chanvre n’est qu’une production annexe pour chacun, c’est plus compliqué de mobiliser ». Alors il faut communiquer pour attirer encore de nouveaux producteurs et aussi des artisans (ils ne sont que trois dans l’asso). Il faut aussi cibler le grand public, les consommateurs. Chanvre et paysans s’est doté d’un site internet pour gagner en visibilité. « Un de nos besoins est d’équilibrer l’offre et la demande », remarque l’éleveur de Pontchâteau. « De plus en plus de producteurs sèment en fonction des débouchés qu’ils auront », complète Pauline Rio. La demande est soutenue, cela devrait contribuer à attirer de nouveaux producteurs. « On va produire des références économiques pour qu’ils puissent se dire que ça vaut le coup de produire du chanvre », annonce Pauline Rio. La micro filière ne demande qu’à grossir.
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