La filière française du chanvre connaît actuellement un fort dynamisme. 22 000 hectares ont été récoltés en 2022, soit cinq fois plus qu’il y a trente ans, sachant que la culture a représenté jusqu’à 180 000 ha au 19e siècle. La France est le premier producteur européen avec 37 % des surfaces de l’Union. Derrière La Chanvrière de l’Aube et ses 11 000 ha, on trouve entre autres le groupe coopératif Cavac en Vendée. Sur 1 800 ha, il collecte 14 000 tonnes de paille de chanvre, ensuite défibrée et transformée en panneaux isolants dans sa filiale Cavac biomatériaux. Celle-ci projette la construction d’une nouvelle usine en 2023 et un doublement des surfaces en chanvre.
« Malgré la concurrence de la culture des céréales actuellement très chères, nous sommes confiants quant au recrutement de nouveaux producteurs, déclare Hervé Potier, directeur de Cavac Biomatériaux. Les agriculteurs cherchent à diversifier leur rotation et le chanvre présente beaucoup d’intérêts agronomiques. »
Aucun traitement ni irrigation
Semé comme une céréale en avril, le chanvre a des besoins en azote non négligeables, de 80 à 100 unités/ha en moyenne. En Vendée, ils sont souvent couverts par les apports de fumier, lisier, voire digestat de méthaniseur. Ils peuvent aussi être partiellement assurés par l’interculture. La Cavac a testé des couverts multiservices riches en légumineuses, notamment en féverole. Elle a mesuré via la méthode Merci des reliquats de 40 à 100 unités/ha. La présence de féverole crée en outre une bonne structure de sol pour le semis de chanvre.
D’après le service agronomique de la coopérative, le chanvre exporte aussi de la potasse et du calcium. La potasse est apportée en général par les effluents organiques. Dans l’idéal, l’apport de calcium de la rotation est à réaliser avant le chanvre.
Une fois semée et fertilisée (apport unique si azote minéral), la culture ne demande aucun traitement et pas d’irrigation. Elle est fauchée en août et, comme le lin, reste environ un mois sur le champ pour le rouissage avant d’être andainée puis pressée. Un fanage est nécessaire si la récolte se fait avec une barre de coupe d’ensilage adaptée. Pour éviter le fanage, la culture peut aussi être récoltée avec une double barre de fauche (mi-hauteur à l’avant, ras du sol à l’arrière).
Cinq à sept quintaux de plus sur le blé suivant
Le chanvre est un bon précédent au blé : il nettoie la parcelle de ses adventices, et crée une bonne structure de sol grâce à sa racine pivot. « Il ne faut pas hésiter à semer le blé en direct pour réduire les coûts d’implantation », affirme Antoine Moinard du service agronomique. Producteur depuis quatre ans et administrateur de la Cavac, Nicolas Danieau confirme. « Sur la partie non irriguée de l’exploitation, j’alterne chanvre, blé et maïs. Après un chanvre, le semis direct est possible certaines années. Je récolte cinq à sept quintaux de plus sur le blé suivant. J’ai choisi cette culture pour diversifier ma rotation et éviter par exemple le piétin-verse en blé sur blé. La marge réalisée avec un chanvre, équivalente à celle d'une orge, n'est peut-être pas la meilleure, mais il faut mesurer ses avantages sur l’ensemble de la rotation. Avec la nouvelle usine, je vais probablement passer de huit à dix ou douze hectares. Nous avons des contrats annuels dans lesquels le prix d’achat est fixé. »
Dans la future Pac, l’aide directe au chanvre est fixée à 100 euros/ha. Comptabilisée parmi les surfaces non traitées (IFT = 0), la culture peut aider à accéder à la certification HVE et aux éco-régimes. En stockant autant de carbone à l’hectare que la forêt, elle a aussi un intérêt dans les démarches bas carbone.
Le slip français s’y intéresse
Outre sa zone géographique actuelle (Aube, Marne, Vendée, ainsi que Maine-et-Loire pour la production de semences), la culture du chanvre est amenée à se développer dans d’autres régions. « Six chanvrières fonctionnent actuellement dont une en cours de redémarrage, et quatre nouveaux outils industriels sont en projet dans le Sud, confie Nathalie Fichaux, directrice de l’interprofession Interchanvre. On redécouvre le chanvre comme un matériau d’avenir permettant notamment de décarboner le secteur du bâtiment. Le savoir-faire se développe partout dans le monde. Par exemple, un immeuble de douze étages en béton de chanvre a été construit en Afrique du Sud. Des marques textiles comme Levi’s, Tommy Hilfiger ou Le slip français s’y intéressent également. »
Outre ses fibres employées en industrie papetière, panneaux isolants, plastiques biosourcés et textile ; sa chènevotte (partie bois de la paille) utilisée dans le béton de chanvre, les litières animales et paillages horticoles ; le chanvre produit aussi des graines valorisées en oisellerie, appâts pour la pêche, et de plus en plus en alimentation humaine (huile, farine).