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Sarrasin : un défi collectif pour structurer la filière

Entre opportunités et défis, la filière sarrasin cherche à se structurer. La Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir a réuni à Orsonville (Yvelines) agriculteurs, OS, collectivités, interprofession, sélectionneurs pour parler de l’avenir de la filière.

Le sarrasin est susceptible d’offrir des perspectives intéressantes pour la protection de l’environnement. Le développement d’une filière structurée pourrait ouvrir de nouvelles perspectives mais quelques défis d’ordre économique, logistique et variétal sont encore à relever.

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Le 11 septembre 2025 à Orsonville, la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir a réuni agriculteurs, OS, l’interprofession Intercéréales et les collectivités territoriales pour parler de l’avenir de la filière sarrasin. « Le blé noir » qui, contrairement à ce que son nom laisse penser, appartient à la famille des polygonacées, présente des arguments de taille sur le plan environnemental. « Nous travaillons avec les agriculteurs depuis une dizaine d’années autour de différents leviers pour protéger la ressource en eau », explique Léo Berte, chef de service protection de la ressource à la Métropole de Chartres ajoutant que « le sarrasin réduit significativement les nitrates dans les eaux de captage après seulement deux années de culture ».

Le département est particulièrement concerné : « Une trentaine d’aires d’alimentation de captage-ACC sont classées Grenelle, zones classées comme prioritaires face aux pollutions diffuses agricoles. Cela représente une surface de 200 000 ha de SAU, soit un peu plus de 60 % de la SAU totale du département », explique Thierry Savoie, responsable agronomique de la Chambre d’agriculture du 28.  L’agronome ne manque pas de rappeler aussi les bénéfices agronomiques du sarrasin « il permet d’allonger et diversifier les assolements. Il capte les reliquats azotés en entrée d’hiver et ses effets allopathiques limitent la pression des mauvaises herbes. C’est une culture à bas niveau d’impact, très sobre en intrants et reconnue comme plante mellifère intéressante pendant la période estivale ».

Une demande très dynamique

Si la production nationale reste modeste, environ 40 000 ha pour 25 000 tonnes, la demande pourrait soutenir son déploiement. « La France importe chaque année environ 10 000 tonnes principalement de l’UE (Lituanie, Pologne, Lettonie et République Tchèque), le reste provient des deux plus gros producteurs mondiaux que sont la Russie et la Chine », observe Amaryllis Blin, responsable animation filières céréalières chez Intercéréales.

Le sarrasin est surtout valorisé dans l’iconique galette de blé noir, un marché dynamique quels que soient les circuits de distribution, avec une croissance de 5,3 % en volume et 8,7 % en valeur. Il est aussi utilisé dans une large gamme de produits secs, comme les pâtes (pâtes, chips, biscuits), et des nouveaux débouchés voient le jour (whisky, desserts végétaux). Le sarrasin est apprécié pour ses qualités organoleptiques et nutritionnelles (faible index glycémique, propriétés antioxydantes et gluten free) précise la responsable.

Les industriels exigent un sourcing français constant avec des critères précis (couleur, pureté, absence de datura notamment). « Un groupe de travail technique et économique "sarrasin" lancé en 2023 par Intercéréales, rassemble tous les acteurs, il a pour ambition le développement et la structuration de la filière », détaille la responsable. Un défi de taille, si l’on en croit les OS et les agriculteurs présents à Orsonville.  

Quelques obstacles à dépasser

Si des acteurs comme la Scael ou encore Axéréal s’engagent sur la collecte à l’échelle de la région Centre-Val-de-Loire, ils reconnaissent que pour s’engager sur des volumes supplémentaires, il faut lever quelques défis logistiques. «  Sous l’impulsion de la métropole de Chartres, nous contractualisons environ 600 tonnes de sarrasin, pour une collecte autour des 1 000 tonnes. Les débouchés sont timides et les récoltes parfois aléatoires, sans parler de la problématique du prosulfocarbe, car le sarrasin est récolté en début d’automne. La récolte coïncide aussi avec celle du maïs, ce qui complique aussi la logistique du séchage et du stockage », explique Florent Babin, directeur adjoint du pôle agricole à la Scael.

Pour répondre à cette contrainte, Stéphane Gilles, technicien de sélection chez Agri-Obtentions précise que la précocité est un axe clé de la sélection. « Le choix variétal est restreint. La variété Harpe domine, mais elle est jugée trop tardive. La tardivité influence le rendement, mais nous travaillons à précocifier les variétés pour permettre un semis et une récolte plus tôt ».

La rémunération reste un enjeu majeur. Les agriculteurs présents jugent la valorisation financière insuffisante au regard des risques. Dans le cas de la Métropole de Chartres, les collectivités territoriales proposent des PSE (paiements pour services environnementaux) , mais les agriculteurs estiment que ces soutiens publics ne doivent pas être perçus comme des aides directes à la filière. La filière sarrasin, a des arguments pour prendre son envol, mais l’aspect économique, à ce jour, ne semble pas être suffisamment incitatif pour encourager les agriculteurs à se lancer plus largement

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