Les cultures de graines sans gluten à destination de l’alimentation humaine, Guillaume Verneuil y trouve un intérêt agronomique : cela permet une diversification de ses rotations. Sur son exploitation de Montreuil-Bellay, au sud de Saumur (Maine-et-Loire), le quinoa et le sarrasin remplacent le colza.
La diversification, c’est aussi le moyen d’être éligible aux aides Pac. « Un colza est payé 500 €/t, le quinoa on est sur quelque chose d’équivalent, mais avec des charges en moins puisqu’il n’y a pas de phytos, de désherbage, et c’est plus vrai encore pour le sarrasin », observe le céréalier. Cette année, il avait implanté 18 ha. Avec la nouvelle usine de la Coopérative agricole du Pays de la Loire (CAPL) dont il est adhérent, les besoins vont croître, il pourra en semer davantage. J’aimerais faire du pois chiche et de la lentille, tous ces protéagineux qui permettent une restitution de l’azote dans le sol pour la culture suivante ».
Cette usine de triage, séchage et décorticage que vient d’inaugurer la coop à Longué-Jumelles (Maine-et-Loire) est dimensionnée pour recevoir 25 000 tonnes de grains par an, ce qui double la capacité de la CAPL. Objectif : passer de 7 000 à 10 000 hectares de cultures. La production de graines sans gluten représente actuellement 9 % des surfaces cultivées par les adhérents.
Exigence de pureté
Neuf types de graines destinées à l’alimentation humaine passent par ce site baptisé Perles d’Anjou : quinoa, lentilles, pois chiches, sorgho blanc, millet, sarrasin, lin, œillette et chia. « Nos clients sont en recherche d’innovation, de changements de tendances alimentaires, nous suivons ce marché », explique Sébastien Beauvallet, directeur Activités céréales à la CAPL. Perles d’Anjou possède sa propre marque mais c’est aussi un fournisseur majeur de marques comme Tipiak, Lustucru ou Panzani, 60 clients au total.
Le site est garanti sans gluten, ce qui est une singularité. Le triage assure une pureté des graines à 99,95 % pour répondre aux normes de qualité́ et de traçabilité́ attendues en matière de sécurité́ alimentaire. « En fait, c’est sur toute la chaîne, dès la récolte, que l’on a un dispositif pour garantir la pureté des graines sans gluten, assure Sébastien Beauvallet. Miser sur le sans gluten, ce sont des contraintes techniques supplémentaires, mais cela nous permet d’accéder à des marchés à plus forte valeur ajoutée. »

Développer les légumineuses
Sur les neuf types de graines, le quinoa se taille la part du lion avec pas moins d’un tiers du volume total. La CAPL s’est lancée dans cette production il y a une quinzaine d’années, ce qui lui confère un savoir-faire, une avance. 350 de ses adhérents en produisent, soit environ 1 800 ha (2 500 t). Cela fait du Maine-et-Loire le premier bassin de production de quinoa en France, mais deux tiers de la consommation française sont importés.
Si la filière est encore toute petite, s’y imposer est important et stratégique pour la CAPL. La coopérative angevine pourrait bien dans les années à venir poursuivre sa stratégie de diversification, développer les légumes secs et autres protéagineux qui sont des marchés en forte croissance, environ 4 à 5 % par an depuis le Covid. Chaque Français en consomme en moyenne 2 kg/an, c’était quatre fois plus il y a un siècle. Il y a donc une marge de progrès.
« On est engagé dans des contrats filières depuis une vingtaine d’années avec des acheteurs, pour nous c’est naturel d’aller répondre aux demandes de ces clients-là, appuie le président de la coopérative Christian Blet. La production de lentilles et pois chiches pourrait ainsi doubler à terme, et passer à 2 000 tonnes pour chacune de ces espèces.
Suivi rigoureux, récolte délicate
Il faut toutefois réunir les conditions pour les produire, notamment pédoclimatiques. « Ce sont des cultures à risques, reconnaît Christian Blet. Dans nos terrains argilo-calcaires, une année sur trois est difficile, on a du mal à remonter les graines. »
De façon générale, ces cultures à destination de l’alimentation humaine exigent de la technicité et un suivi rigoureux. Tous les adhérents de la coop ne souhaitent pas forcément s’y lancer. Didier Haigneré, par exemple, à Ingrandes-Le-Fresne. « Il y a beaucoup de suivi, j’essaie de simplifier au maximum mes assolements pour ne pas passer trop de temps sur mes cultures parce que j’ai une autre activité », justifie l’agriculteur.
Des techniciens accompagnent les agriculteurs pour la conduite de ces cultures spécialisées, et un pool d’entreprises de travaux agricoles réalisent la moisson. « La problématique de la récolte est désormais réglée, on fait une pré-coupe pour le sarrasin ou le quinoa », raconte le directeur Activités céréales de la coopérative. Tous les producteurs ont l’obligation de faire survoler un drone sur leurs cultures, quelques jours avant le passage de la moissonneuse, pour cartographier la parcelle et détecter les pieds de datura (80 €/ha). Cette plante invasive et toxique doit absolument être arrachée.
Diversifier ses assolements
« C’est peut-être moins reposant de conduire ces cultures à destination de l’alimentation humaine, mais c’est plus enrichissant », estime Guillaume Verneuil, qui est par ailleurs administrateur de la coopérative. Diversifier l’assolement en insérant ces cultures permet de casser les cycles et réduire les problématiques de ravageurs, adventices et maladies.
Et puis « cela permet de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, cet été les rendements des blés ont chuté de 38 % tandis que ceux des lentilles et du quinoa sont restés stables », argumente Sébastien Beauvallet. Quant à la rémunération, la marge brute est équivalente à 1,5 fois celle d’un blé ou d’un colza, assure le directeur Activités céréales de la CAPL.
Un peu moins d’un tiers des 1 500 apporteurs de céréales produisent ces graines destinées à l’alimentation humaine. Une part qui devrait croître dans les années à venir.