Entre deux maïs, Roland Chevreuil commençait à voir apparaître de plus en plus de folle avoine. Alors quand on lui a proposé de produire des cultures de niche à destination de l’alimentation humaine il y a six ans, cela tombait à pic, pour l’agriculteur du Sud Sarthe. Il s’est mis à cultiver du chanvre et de la graine de courges pour diversifier l’assolement. « Le chanvre, c’est une culture propre, c’est particulièrement intéressant ». Pour la récolte, partie la plus délicate, Agro Logic s’occupe de tout, c’est elle qui organise le chantier avec une ETA.
L’aventure étonnante d’Agro Logic commence en 2016. Son fondateur Vincent Seyeux, installé alors depuis 25 ans, vient de passer en bio et veut s’épanouir en produisant des cultures un peu nouvelles. Il lui faut trouver les débouchés, il crée un site de tri et nettoyage, et puis finalement une entreprise de transformation et commercialisation. Aujourd’hui, 1 500 tonnes de graines sont produites par une soixantaine d’agriculteurs bio de la Sarthe jusqu’à la Bretagne. 18 cultures différentes : haricot, quinoa, lentille, pois chiche, chia, millet etc.
Intérêt agronomique
Parmi eux, Dominique Bourgault, dans le Nord Mayenne. Cette diversification lui a permis de passer de quatre à sept cultures. « Le sarrasin, on est sûr de le réussir à chaque fois, c’est bien pour la propreté de la parcelle, pareil pour le chanvre, détaille le céréalier. La courge en revanche c’est quand même très salissant ». À Houssay, à 20 km de Laval, ces débouchés correspondaient pile au projet de Thibaud Gigan, quand il s’est installé il y a sept ans en polyculture élevage avec son père. « On voulait un panel de cultures le plus large possible pour ne jamais mettre la même chose sur la même parcelle ». Ce qu’il aime, c’est « innover, faire ce que les autres ne font pas ». Certaines cultures sont agronomiquement intéressantes, comme le chia et le millet, qui sont étouffantes. « Une fois qu’elles sont développées il n’y a plus rien qui pousse ». Mais tout cela exige beaucoup de technicité, « cela reste des cultures très compliquées ».
La diversification, c’est aussi le choix qu’a fait Jean-François Gaumé, dans le Sud Mayenne. Des rotations de huit à dix ans, jamais figées, une quinzaine de cultures différentes. De quoi casser les cycles des bioagresseurs des cultures majoritaires. Les légumineuses apportent de l’azote et permettent de meilleurs rendements de blé. « Il ne faut pas raisonner marge à l’hectare par an mais à l’échelle de toute la rotation », met en avant le jeune agriculteur. Les rendements de lentilles plafonnent à une tonne/hectare. Jean-François Gaumé ne passe pas par Agro-Logic, il a fait le choix de commercialiser lui-même ses produits, pour moitié en circuits courts. La lentille, il la valorise 1 500 euros la tonne.
Des prix qui se maintiennent
Bon an mal an, contrairement aux céréales, les légumineuses traversent plutôt bien la tempête qui secoue les marchés bio. Pour les producteurs, cette diversification permet de sécuriser un petit peu le revenu.
« On a encore des débouchés sur le millet, le chanvre, le sarrasin, la graine de courge, le haricot etc, ce sont des marchés en progression, confirme Vincent Seyeux. Agro-Logic commercialise pour l’instant majoritairement auprès d’industriels pour le marché français et international. « L’objectif maintenant c’est de trouver des débouchés localement, assure Vincent Seyeux. Il faut amorcer la pompe ».
En attendant, Agro-Logic a de la place pour accueillir de nouveaux producteurs, mais « il nous faut des bons », met en garde son fondateur. Ces cultures sont techniques et exigeantes, le produit final doit être pur et régulier.
