« La betterave, une culture rémunératrice sur le temps long pour les jeunes agriculteurs »
La betterave est une culture volatile dont la rentabilité se mesure sur le long terme mais pour les jeunes agriculteurs, elle vaut le coup de s'y intéresser car elle peut dégager des marges pour l'exploitation comme la pomme de terre ou le lin. L'occasion de se pencher sur une étude menée en 2020 auprès de jeunes planteurs en la réactualisant.
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« Soit elle était déjà présente sur l’exploitation et il l’a conservée, par tradition et par attachement à l’outil industriel local, tout en s’interrogeant sur la possibilité de réduire la surface ; dans le cas contraire, il ne se posera même pas la question d’en cultiver. » Tel était le constat « sans appel » des jeunes agriculteurs face à la betterave sucrière, interrogés en 2020 par la Confédération générale des betteraviers et Jeunes Agriculteurs dans le cadre d’une étude sur leur « perception » de la filière et des « défis futurs » à relever, ainsi que sur leurs attentes en la matière.
Volatilité économique
Il y a cinq ans, après trois années de crise, ce qui faisait l’intérêt de la betterave pour les jeunes producteurs était devenu dissuasif. « De la plus sécurisante pour l’exploitation, elle a maintenant l’image de culture la plus risquée », pointait cette enquête. Avec le changement climatique, les sécheresses récurrentes notamment, et surtout le contexte sanitaire, lié à la jaunisse, les rendements, qui l’étaient peu auparavant, sont devenus aléatoires et ont tendance à baisser.
« Depuis, il y a eu deux très bonnes années montrant que la betterave garde toute sa place dans l'assolement sur le temps long, nuance Timothé Masson, économiste à la CGB, que nous avons interrogé. La marge est cependant très volatile. » « La rentabilité de la betterave se mesure dans la durée : derrière cette volatilité, en moyenne sur sept ans, les marges peuvent être les meilleures de l'exploitation aux côtés de la pomme de terre et du lin. Cette culture reste donc intéressante et rémunératrice sur le long terme », ajoute-t-il.
Le revenu, derrière, est tout aussi fluctuant et incertain, d’autant que les prix sont de plus en plus volatils avec de moins en moins de visibilité. Pour les jeunes planteurs, « le risque est grand » face aux durées d’engagement de cinq ans pratiquées par les coopératives sucrières. Timothé Masson salue d'ailleurs « le geste de Tereos qui a annoncé la ramener à trois ans à partir de 2026 ».
Pression sanitaire, jaunisse en tête
À ces incertitudes économiques, sans oublier les fermetures de sucreries – six ont disparu en six ans – s’ajoutent des aléas agronomiques, la jaunisse en premier lieu – « la crise de 2020 a été un traumatisme, avec des zones fortement impactées » – mais aussi la cercosporiose, le syndrome de basse richesse dû aux charançons, auxquels la génétique n’apporte pas de réponse efficace. « On lui en demande beaucoup, rapidement, alors qu’elle ne peut agir que sur le temps long, fait remarquer l’économiste. Les variétés doivent être résistantes à la jaunisse, la cercosporiose, aux charançons, à la sécheresse, et faire du poids et du sucre... »
On demande beaucoup à la génétique.
Vis-à-vis de la jaunisse, l’interdiction des néonicotinoïdes sans autre alternative est bien sûr un frein majeur. La pression parasitaire contraint à revoir les rotations qui ne sont plus pilotées par la betterave mais par la pomme de terre ou le lin. « Il s’agit désormais simplement d’une culture à intégrer », indiquait l’étude. Certains jeunes betteraviers cherchent donc à diminuer les surfaces cultivées. Or, pour cette production sous contrat, cette décision est forcément définitive.
Lorsqu’ils sont engagés en coopératives, le capital immobilisé en parts sociales est très important par rapport à d’autres filières, sans « retour de valeur » aux producteurs à la hauteur de cette immobilisation, alors que « les investissements dans les outils industriels ne sont plus aussi conséquents qu’à une époque », peut-on lire dans le bilan de l’enquête.
De moins en moins de visibilité sur les prix…
D'autres encore y déploraient leur « fonctionnement opaque » – « le prix de la betterave semble fixé de manière arbitraire ; il est complexe à lire et sans information sur sa construction » – et réclamaient « un prix de base, une grille de partage du prix et un prix distinct au titre de la pulpe, ainsi qu’une visibilité sur le prix de base avant semis compte tenu des frais engagés dans la culture. » Ils regrettaient aussi « l’absence de choix entre un prix moyen mixte et indexé sur un marché comme pour les autres grandes cultures ».
Depuis l’étude, la situation semble avoir peu évolué. « Nous commençons les arrachages sans notion de prix et depuis deux ans, aucun prix de base n’est donné avant semis », détaille l’économiste qui, après deux années de prix rémunérateurs, craint qu’ils le soient moins cette campagne pour laquelle les prévisions de rendements sont plutôt bonnes, aux alentours de 80 t/ha. Ce qui est « supérieur à la moyenne quinquennale mais demeure inférieur d’une dizaine de tonnes aux récoltes d'il y a dix ans », complète-t-il.
Quant à la durée des contrats, malgré leur « attachement au modèle coopératif » auquel adhèrent 90 % des jeunes betteraviers d’entre eux à parts égales entre Tereos et Cristal Union, certains déclaraient, en 2020, « être tentés de réduire leurs engagements si les sucreries privées se montrent plus souples ». « La proposition de Tereos, de les conclure pour une période de trois ans, « répond à cette attente », souligne Timothé Masson.
S’engager sur cinq ans, c’est long
Pourquoi pas des « périodes d’essai » avant de s’engager, suggéraient quelques-uns. « À un engagement de livraison en volume sur une durée donnée doit correspondre un engagement sur la formation du prix sur ce même laps de temps », résumaient-ils. Plus de souplesse était également souhaitée selon « les opportunités de marché ».
Au niveau des coproduits, les jeunes planteurs demandaient une augmentation du « droit pulpe » et des disponibilités sur la vinasse et les écumes. Pour soulager les besoins de trésorerie, particulièrement importants les premières années d’installation, ils proposaient d’échelonner, comme le font souvent les coopératives céréalières, le paiement des intrants, les semences betteravières notamment. Et de consentir à des avances de paiement pour les betteraves, puisqu'il est difficile pour les jeunes planteurs « d'attendre près d’un an et demi avant d’être payés ».
L’accompagnement technique, enfin, était jugé « meilleur que dans d’autres productions ». Sur les problématiques agronomiques et économiques, une mobilisation des syndicats est attendue pour obtenir une réponse réglementaire et des outils (produits phytosanitaires NBT…) adaptés, comme sur le plan économique pour que la valeur ajoutée aille aux producteurs, et pour le développement de nouveaux marchés et valorisations : bioéthanol, carbone, labels et certifications qui doivent être des démarches « volontaires et valorisantes » sans enfermer dans des normes.
Pour autant, le syndicalisme spécialisé, en l’occurrence la CGB, et ses actions sont peu connus des nouvelles et futures générations de betteraviers. Il faut donc communiquer sur le terrain et renforcer les liens avec le réseau JA. Car ensuite, les jeunes déclarent « trouver facilement leur place et un intérêt intellectuel notable » dans les organisations syndicales comme coopératives.
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