Quel avenir pour les exports de céréales françaises en Chine ?
Complexe, évolutif, et particulièrement incertain : autant de qualificatifs pour décrire le marché chinois. Certes, il offre des opportunités aux produits agricoles français et notamment aux céréales. Mais entre ralentissement économique, tensions diplomatiques et stratégie d’approvisionnement opaque, difficile de dire de quoi demain sera fait pour nos exports vers l’Empire du milieu.
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Premier importateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, riche d’un marché d’1,4 milliard de consommateurs au pouvoir d’achat croissant, la Chine représente un débouché stratégique pour les exportateurs français.
Sur ces produits, la France est le douzième pays à approvisionner l’Empire du milieu : 2 % des imports en 2024 (25 % pour le Brésil et 12 % pour les États-Unis) pour une valeur de 4 milliards d’euros, un chiffre en forte progression ces cinq dernières années.
Et les céréales occupent la deuxième place sur le podium des produits agricoles et agroalimentaires français importés par le Chine, pas loin derrière les boissons alcoolisées (respectivement 27 % et 37 %).
La France était d’ailleurs son premier fournisseur d’orge en 2024, et le quatrième pour le blé et le méteil. « En céréales, on n’a pas de concurrents européens sur le marché chinois. Nos concurrents sont le Brésil, les États-Unis et l’Australie », précise Hélène Hovasse, directrice de projet à Business France et experte de la Chine.
Le 24 février au Salon de l’agriculture, elle revenait sur une étude commanditée par FanceAgriMer sur les opportunités du marché chinois pour les entreprises françaises. Un marché qui évolue rapidement, notamment influencé par la macroéconomie. « La consommation des ménages n’a pas repris depuis le Covid et le taux d’épargne chinois est très élevé, ce qui pourrait être problématique pour la consommation de produits importés », note-t-elle.
Climat tendu entre la France et la Chine
Le facteur géopolitique joue aussi un rôle crucial sur les échanges avec le pays. « La Chine a ça de particulier que le contexte politique est toujours majeur, quel que soit le domaine », analyse Caroline Robert, conseillère agricole à l’ambassade de France à Pékin, et les rapports entre les deux pays sont « un peu complexes ».
Car alors que 2024 devait célébrer les soixante ans de la relation diplomatique franco-chinoise, l’année a été marquée par les enquêtes antidumping sur plusieurs produits importés depuis l’UE, instaurant un climat tendu et ralentissant les temps de traitement des dossiers européens dans les administrations chinoises.
Le pays incite aussi à consommer local et à structurer ses filières, tout en renforçant ses liens avec certains partenaires stratégiques. Mathieu Ngo-Di, professeur à l'Institut d'études européennes et ancien acheteur dans de grandes enseignes chinoises, souligne ainsi que son allié russe propose aujourd’hui à la Chine sa farine à des tarifs très intéressants.
Le rapprochement entre Pékin et Canberra en 2023, après une brouille diplomatique liée notamment à la crise du Covid, pourrait renforcer la position de l’Australie sur le marché chinois des céréales.
Pour l’heure, les volumes de céréales françaises exportées vers la Chine sont en net recul sur la campagne de commercialisation 2024/25. D’après les douanes, nous n’y avons expédié entre début juillet et fin janvier que 594 000 t d’orge et pas un gramme de blé tendre, contre 2,2 Mt d’orge et 1,3 Mt de blé tendre sur la première partie de campagne 2023/24.
Stocks importants et baisse des importations
Mais la tendance ne concerne pas que la France : la Chine réduit drastiquement toutes ses importations de céréales sur la campagne en cours, détaille l’analyste Marius Garrigue sur Terre-net. D'après l'USDA, les imports chinois de blé et de maïs tomberaient à 6,5 Mt et 8 Mt respectivement, contre 13,6 Mt et 23,4 Mt sur 2023/24.
« Les achats de céréales en Chine, c’est vraiment par pics, et il y a la question des stocks », commente Hélène Hovasse : le pays dispose de stocks importants dont la quantité exacte reste inconnue, et il importe moins certaines campagnes car il a beaucoup stocké la précédente.
Il est possible que l’Empire du milieu limite actuellement ses achats de façon à faire baisser les prix, par le biais de Cofco International, filiale de l’immense conglomérat alimentaire Cofco Corporation et chargée de l’approvisionnement. Mais, nuance la spécialiste, « c’est un phénomène surtout marqué pour le soja, où les montants sont beaucoup plus importants que pour les céréales ».
À l’attention des entreprises françaises, elle insiste sur l’importance « de la vitesse, de la persévérance et de la présence » pour pouvoir exporter en Chine. « C’est un marché complexe et évolutif, qui nécessite beaucoup d’agilité et d’être bien accompagné. Il est exigeant sur les questions de santé et de traçabilité : ce sont des atouts sur lesquels la France peut se démarquer », appuie Nicolas Fairise, chef de la mission des affaires européennes et internationales de FranceAgriMer.
C’est aussi « un marché qui peut se retourner à tout moment, met tout de même en garde Caroline Robert : la politique peut nous claquer des portes au nez et il ne faut pas négliger les autres marchés ».
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