Login

« Un progrès en marche pour mieux cultiver et utiliser les légumineuses »

Près de 100 millions d'euros sont investis dont 50 % d'aides publiques pour structurer les filières et mieux gérer les risques des légumineuses à graines.

À l’occasion du colloque « Produire des légumineuses à graines pour des filières durables », les équipes de Terres Inovia, en partenariat avec Terres Univia et le soutien de Plant2Pro, sont revenues sur la structuration de filières et les recherches en cours pour mieux cultiver et utiliser ces cultures.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

« En 2025, les surfaces de légumineuses à graines ont atteint presque les 500 000 ha en France, contre 800 000 ha au début des années 1990. Par rapport aux objectifs de souveraineté alimentaire en protéines végétales fixés en 2020, il reste du travail, confie Gilles Robillard, président de Terres Inovia. En cause : les tensions géopolitiques et sur les prix, et les aléas climatiques de ces dernières années notamment. Il nous faut mieux accompagner la gestion des risques affiliés à ces cultures et structurer les filières concernées », précise le président de l’institut technique.

Une demande intérieure bien présente

« Car la demande intérieure est là, observe Anne-Hélène Leroy, chargée de missions économie et filières chez Terres Univia, plus ou moins dynamique selon les espèces. Pour la lentille, la balance import/export de la France est très déficitaire, on en importe de l’ordre de 30 à 40 000 t, chaque année, du Canada et de Turquie. En ce qui concerne le pois chiche, le bilan tend plutôt à s’équilibrer, la production nationale couvrant en partie les besoins ».

« En soja, la collecte annuelle se situe autour des 350 000 t, on importe la même chose voire le double chaque campagne, en fonction des besoins de triturations. L’alimentation animale représente le principal débouché aujourd’hui, mais il y a aussi de la demande en alimentation humaine, détaille l’experte. Pour les pois, les débouchés sont en baisse au niveau hexagonal, ils se ventilent en trois parties : une partie stable pour l’alimentation humaine, une autre qui varie selon la compétitivité pour l’alimentation animale et le reste pour l’export (UE ou pays tiers). La production de féveroles a augmenté ces dernières années, notamment pour une utilisation au niveau des exploitations elles-mêmes, entre fabrication d’aliments à la ferme (FAF) et des usages en intercultures et cultures associées. La féverole dispose aussi d’un débouché stable vers la Norvège pour la pisciculture et en alimentation humaine, avec des pistes de développement. »

« La demande des consommateurs en légumineuses, en tout cas, est croissante, comme le montre l’observatoire OléoProtéines 2024 réalisé par Terres Univia, avec comme top 3 des ventes en commerce de détail : les légumes secs appertisés (+ 16 %), les alternatives végétales (+ 14 %) et les snacks apéritifs salés (+ 13 %).

Renforcer la robustesse des légumineuses

Mais du fait de leur sensibilité aux aléas climatiques et une forte variabilité des rendements, les légumineuses à graines sont sujettes à un défaut de compétitivité pour les producteurs. Vincent Lecomte, chargé d’études techico-économiques à Terres Inovia, estime un écart de prix à combler d’environ 50 €/t en pois, par exemple. Même s’il a des atouts à faire valoir dans la rotation : « un blé de pois, c’est un gain de 7,4 q/ha par rapport à un blé de blé et une réduction de 20 à 80 kg N/ha », fait remarquer l’expert. « Par la fixation symbiotique de l’azote, les légumineuses contribuent à réduire les gaz à effet de serre et améliorer la qualité de l’eau. »

« Des moyens conséquents sont donc mis sur le terrain pour augmenter les rendements et améliorer les utilisations des produits à base de légumineuses, ajoute Gilles Robillard. En effet, près de 100 millions d’euros sont investis dont 50 % d’aides publiques et les filières peuvent compter sur environ 300 partenaires impliqués dans une dizaine de projets nationaux et européens. »

« Une meilleure connaissance de la composition des graines permet notamment d’identifier les plus adaptées selon différents usages. Pour la féverole, les travaux sur le décorticage donnent la possibilité d’éliminer en partie les bruches, de donner une valeur ajoutée aux graines et d’ouvrir de nouveaux débouchés en alimentation humaine », indiquent Véronique Biarnès et Xavier Pinochet de Terres Inovia.

« La génétique permet également de développer des variétés qui s’adaptent mieux aux stress hydriques et thermiques. Avec les avancées de la recherche, ces espèces pourront être mieux positionnées selon leur potentiel dans les bassins de production en établissant une cartographie pour développer les surfaces. La recherche sur les maladies racinaires progresse aussi : certaines légumineuses sont plus résistantes dans certaines situations. En ce qui concerne la bruche, si le contrôle au champ reste difficile, des méthodes de stockage sont étudiées pour permettre d’éviter qu’elles prolifèrent. »

L’institut technique entend ainsi renforcer l’accompagnement technique des producteurs et poursuivre l’acquisition de connaissances pour renforcer la robustesse de ces cultures.

Une vision à long terme

Pour accompagner le développement des légumineuses, de nombreux intervenants du colloque sont revenus aussi sur la nécessité de contractualiser. Différentes initiatives sont lancées à ce sujet, comme le projet Intact et la construction d’une usine dédiée. La coopérative Axéréal cherche ainsi à emmener les producteurs de légumineuses sur le long terme. Elle a mis en place un groupe d’ambassadeurs avec un accompagnement technique et la mise d’une prime incitative. « Pour mettre en place un contrat filière, il faut compter environ 24 mois entre le cahier des charges, les volumes à définir, les surfaces de multiplication à lancer, etc. , explique Pierre Toussaint, directeur agronomie transitions innovation pour Axéréal. On travaille aussi avec Bessé, pour couvrir le risque de production et sécuriser les agriculteurs. Pour pérenniser ce genre de dispositifs, cela doit reposer sur plusieurs acteurs.

En 2017, le projet Fileg a également été lancé. Son objectif : créer la première filière de légumineuses à graines pour l’alimentation humaine en Occitanie. Une soixantaine d’acteurs ont rejoint l’association depuis. « Il faut sortir de l’effet conjoncturel, entretenir la confiance des acteurs au-delà des aléas économiques et des élections (appui des politiques publiques), souligne Cyrielle Mazaleyrat, ingénieure développement chez Terres Inovia. Le pas de temps est long. »

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement