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Marché des céréales Les tensions sur les exportations ukrainiennes suscitent de la nervosité

Les prix des céréales sont redescendus mercredi, après l'annonce d'une nouvelle aide européenne pour les agriculteurs de Pologne, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie et Roumanie. (©twixx/Adobe Stock)

Après un rebond lié aux interdictions d'importation des grains ukrainiens dans plusieurs Etats européens, les prix des céréales sont redescendus mercredi, dans la foulée de l'annonce d'une aide européenne aux agriculteurs de ces pays.

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Pour protéger les paysans déstabilisés par l'afflux de grains ukrainiens sur leurs marchés, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie ont provisoirement banni les importations de produits agricoles alimentaires, une perturbation soudaine qui a fait grimper les prix des céréales sur les marchés mondiaux en début de semaine.

Ils ont baissé toutefois mercredi après-midi, après l'annonce d'une nouvelle aide de 100 millions d'euros, destinée à soutenir les agriculteurs de ces quatre pays et de Roumanie, par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

L'Union européenne avait dénoncé lundi une mesure « inacceptable » et déploré des initiatives unilatérales qui sonnaient le glas de la solidarité de l'Europe agricole avec l'Ukraine, sans faille depuis l'invasion russe du 24 février 2022.

Depuis le début du conflit, les Etats d'Europe de l'Est ont vu arriver sur leur sol maïs, blé ou tournesol venant d'Ukraine, provoquant la saturation des capacités de stockage et faisant chuter les prix locaux des grains, suscitant progressivement la colère des agriculteurs polonais notamment.

Selon le cabinet Agritel, les importations ukrainiennes en Pologne, Hongrie et Slovaquie sont montées à 7,8 millions de tonnes sur la campagne 2022/2023, contre 1,2 million l'année précédente. Dorénavant, les céréales pourront transiter par ces pays mais ne pourront plus y être achetées. La Pologne a levé mardi soir les restrictions sur leur circulation, sous réserve qu'il n'y ait « pas une seule tonne de blé » qui reste dans les silos.

Les incertitudes sur le renouvellement le 18 mai du corridor céréalier en mer Noire, l'autre voie d'exportation des grains ukrainiens, génèrent aussi des tensions.

« Le marché commence à se faire à l'idée que ces livraisons venues d'Ukraine pourraient devenir plus limitées, même s'il n'y a pas de panique pour l'instant. C'est le maïs qui serait le plus affecté », estime Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX.

Selon les derniers chiffres des Nations unies, près de la moitié des volumes exportés grâce au corridor ont porté sur du maïs depuis la mise en place de l'accord, contre 29 % seulement pour le blé.

Appétit mondial pour le maïs

Le contrôle des bateaux chargés de grains dans le Bosphore, élément clé de l'accord scellé entre Kiev et Moscou sous l'égide de la Turquie et de l'ONU, a récemment ralenti, avec des jours entiers sans inspections russes, pointe Damien Vercambre, analyste au cabinet Inter-Courtage, qui évoque « une menace sourde ».

Selon lui, 1,5 million de tonnes de céréales attendent de passer le détroit pour gagner leur destination. Sur ce total, 600 000 tonnes de grains, du maïs ukrainien notamment, doivent partir en Chine. « On voit mal comment la Russie peut mettre des bâtons dans les roues à un allié » ajoute M. Vercambre, pour qui « le chaud et le froid » soufflé par Moscou alimente une forte volatilité.

D'autre part, la Chine, deuxième économie mondiale, a enregistré au premier trimestre une nette accélération de sa croissance, signe que le « moteur » des marchés agricoles « redémarre bien », souligne le courtier.

Débarrassé des restrictions sanitaires liées au Covid-19, le produit intérieur brut du pays a progressé sur un an de 4,5 %, et il s'est remis à acheter maïs ukrainien ou américain. Aux Etats-Unis, le prix du maïs est remonté la semaine dernière, réduisant l'écart avec celui du blé à son plus bas niveau depuis juillet 2021.

« La demande mondiale de maïs est beaucoup plus soutenue que celle pour le blé », dont les stocks sont abondants, relève Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting. Cependant, ces tensions sur le marché du maïs sont considérées comme des frictions de court terme, explique M. Zuzolo. Les opérateurs s'attendent à ce que les cours retombent nettement d'ici l'été, avec « l'arrivée des récoltes de maïs sud-américain sur le marché », brésilien notamment.

Reste encore à évaluer l'impact d'une sécheresse historique sur les récoltes dans l'hémisphère Sud : à cause du manque d'eau, la Bourse de Rosario (BCR), où s'échangent des céréales en Argentine, a estimé que le rendement du maïs tomberait au plus bas depuis 2008-2009.

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