Céder sa ferme : les questions à se poser
Échéances, formalités et revenus pour la retraite, modalités et prix de reprise, foncier… Ci-dessous : l’essentiel de ce qu’il faut se demander avant de transmettre son exploitation.
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Vous souhaitez prendre votre retraite agricole et céder votre exploitation ? Parmi les premières choses à décider : votre date de cessation d’activité. Puis à vérifier : avez-vous tous vos points pour pouvoir partir ? Le mieux est de se renseigner auprès de la MSA. À savoir : plusieurs années avant l’âge de la retraite, vous recevrez de ce même organisme la Dicaa (déclaration d’intention de cessation d’activité agricole).
« Sécuriser foncier et outil de production »
S’ensuivent un certain nombre de points sur lesquels se pencher, que Domitille Lemoine, responsable d’équipe installation/transmission à la chambre d’agriculture de la Somme, liste sans forcément d’ordre précis lors des Rallyes de l’Ambition (organisés début mars par l’union de coopératives Yséo et Novial SA).
Si vous n’avez pas de successeur, avant d’en chercher un, il faut « sécuriser le foncier et l’outil de production » pour que celui-ci soit « attractif », conseille-t-elle. Autrement dit : « continuer à investir » pour que la ferme reste fonctionnelle, suffisamment moderne, avec un bon confort de travail, tout en « raisonnant ses investissements pour qu’elle soit reprenable, financièrement, et viable une fois le jeune installé ».
Continuer à investir.
Participer à un Farm dating ou à un Café de l’émergence permet de jauger l’attractivité de votre structure, de voir les différents projets d’installation agricole qui peuvent se présenter et de rencontrer ceux qui les portent. Vous pourrez ainsi « affiner » le vôtre, pour la transmission de la ferme. Rendez aussi votre offre de reprise attractive et humaine, avec des photos et/ou vidéos, permettant de s’y projeter.
En savoir plus sur le Farm dating en regardant cette vidéo :
L’exploitation doit rester attractive
« Le but du Farm darting est de provoquer un coup de cœur professionnel entre un cédant et un porteur de projet agricole », avance Amandine Autricque, chargée de mission installation/transmission à la chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais. M. et Mme Hameau, agriculteurs, soulignent l’intérêt de la démarche : « Transmettre est une vraie problématique. On est quand même sur une activité très engageante, qui nécessite une véritable appétence pour le métier et le milieu. » Grâce à cette opération, ils ont pu échanger avec d’autres exploitants dans la même situation qu’eux.
L’agriculture, une activité très engageante.
Côté foncier maintenant, demandez-vous de quels types de baux ruraux vous disposez, comment les transférer, si vous êtes à jour au niveau des autorisations d’exploiter… Plus largement, il s’agit de passer en revue tous les « engagements réglementaires » pris lors de votre carrière.
Qu’allez-vous céder et comment ?
Avant de trouver un repreneur pour l’exploitation, vous pouvez commencer à regarder ce que vous voulez transmettre en termes de terres, bâtiments, matériel, cheptel, maison d’habitation, parts sociales, etc. Et de quelle manière : en totalité ou en partie, d’un seul coup ou progressivement… Dans le deuxième cas, vous prévoyez une période de transition pour accompagner votre successeur avant voire après son installation ? Si oui, combien de temps et de quelle façon : stage de parrainage, salariat pour lui et/ou pour vous, autre. Peut alors se poser la question du statut pour l’un et/ou l’autre : stagiaire, salarié agricole, associé exploitant ou non exploitant…
À discuter ensemble.
« Une couverture sociale est importante en cas d’accident, car les conséquences derrière, notamment financières, peuvent être graves », alerte Domitille Lemoine. En parlant de statut, celui, juridique, de l’exploitation peut avoir son importance pour le futur agriculteur, et le fait que vous donniez encore des coups de main peut l’impacter. Autre point de vigilance : l’entente entre cédant et repreneur de la ferme. Un accompagnement extérieur, neutre, peut aider à communiquer, écouter les envies, besoins et objectifs de chacun, et à mieux se comprendre.
Déterminer le prix de reprise
Quant au prix de cession de l’exploitation, il fera sans aucun doute partie de vos priorités. La responsable d’équipe installation/transmission recommande de « faire appel à un expert foncier » pour l’évaluer, et « éviter les problèmes par la suite ». Aujourd’hui, les futurs installés en agriculture « recherchent des actifs utiles à leur projet, pas un patrimoine », expliquait au Salon de l’agriculture 2025 Philippe Jeanneaux, enseignant chercheur en sciences de gestion à VetAgroSup. Or, dans le secteur agricole, « on ne transmet pas que les actifs d’un bilan, mais des choses pas toujours faciles à estimer : le positionnement dans des filières, à travers des contrats en particulier, une qualité agronomique de terre, etc. ».
Les jeunes cherchent des actifs, pas un patrimoine.
Plusieurs méthodes existent pour calculer la valeur de reprise de la ferme. Qu’elle soit patrimoniale (axée cédant), de marché, économique/de rentabilité, ou de reprenabilité (orientée repreneur), elle doit tenir compte « des atouts et des vices plus ou moins cachés », mettait en avant Guillaume Favoreu, expert foncier et agricole associé de la SCP Optimes. D’où l’intérêt d’un diagnostic de l’exploitation, physique (terres, bâtiments, matériel, cheptel, maison d’habitation…) et humain (collectif de travail, organisation, fonctionnement, sur le plan décisionnel entre autres).
« Chaque partie doit y trouver son compte », insistait-il, ajoutant « qu’il est nécessaire d’organiser économiquement, mais aussi juridiquement, fiscalement et socialement son entreprise pour la transmettre ». Et de « choisir le bon moment pour céder son exploitation ». « Combien va me coûter la cession de la ferme ? Le volet fiscal est en effet capital », appuie Sandrine Collet, expert comptable associé Altonéo et AgirAgri.
Deux types de cédants : ceux qui veulent vendre, ceux qui tiennent à transmettre
« En tant qu’accompagnateur, car l’exploitant reste décisionnaire, nous devons jongler entre les attentes des cédants et des repreneurs, et les amener à faire des concessions », poursuit-elle. Sachant que l’un et l’autre « alternent entre des phases d’enthousiasme – « j’ai trouvé un repreneur ou une exploitation à reprendre » par exemple – et de découragement/fragilité « que va devenir ma ferme, je ne vais pas réussir à m’installer" »
Ces générations ont beaucoup développé la ferme,
c’est encore plus leur bébé !
C’est d’autant plus complexe qu’on « arrive sur des générations de cédants qui ont beaucoup développé et fait évoluer leur structure, c’est encore plus leur bébé », pointe-t-elle, précisant : « Il y a deux profils de cédants : ceux qui veulent vendre le plus cher possible et ceux qui tiennent à transmettre un outil de travail, des pratiques, des valeurs. » Sandrine Collet insiste sur l’approche globale dont doivent faire preuve les experts-comptables, qui ont un rôle de « chef d’orchestre » coordonnant les autres intervenants : experts fonciers, banques, notaires, etc.
Une transmission agricole se réfléchit, à l’idéal, « avec son ou ses repreneur(s) », conclut-elle exhortant à anticiper suffisamment. « Cela évite des déceptions liées, entre autres, à des choix qu’on n’a plus le temps de faire », prévient de son côté Domitille Lemoine, indiquant qu’il faut compter, en moyenne, cinq ans pour mener à bien ce type de projet. Surtout qu’une réflexion doit être conduite sur votre retraite proprement dite : activités, revenus…
L’important pour réussir sa transmission : plusieurs agriculteurs témoignent
1- L’anticipation
Reine Soulie préconise de « s’y prendre très tôt, dès les 45-50 ans ». Cela permet « de bien y réfléchir et de se projeter ». « On fait plus facilement le deuil de notre ferme et de notre travail », argue-t-elle. Une vision que partage André Lacan : « Il faut se dire que c’est fini, que ce n’est plus nous qui décidons et laisser faire les jeunes. » « Le jour où on commence à chercher un repreneur, il faut être prêt à transmettre », fait également remarquer Joël Soulie.
Faire le deuil de sa ferme, être prêt à transmettre.
2- Une bonne estimation de la valeur de reprise
« Il faut raisonner uniquement d’un point de vue économique pour garantir la viabilité au (x) sucesseur(s) », enchaîne-t-il. Donc : « Ne pas trop lever le pied les dernières années, sur les investissements entre autres, pour garder un outil de production performant », met en garde Jean-Paul Eche.
Se placer du point de vue du repreneur.
3- Savoir s’adapter
« De notre idée de départ, nous sommes arrivés à une situation complètement différente, illustre Joël Soulie. Si nous n’avions pas changé notre façon de voir les choses, ça n’aurait pas abouti. » « Il faut se mettre un minimum à la place de l’acheteur », complète André Lacan.
Si nous n’avions pas changé notre façon de voir…
Retrouvez l’intégralité de leurs témoignages dans cette vidéo :
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