Paroles de cédants, en vidéo
Les cinq piliers de la transmission

Voici ce que prêchent plusieurs cédants pour réussir la transmission d'une exploitation agricole. (©Fotolia // Création Terre-net Média)
Voici ce que prêchent plusieurs cédants pour réussir la transmission d'une exploitation agricole. (©Fotolia // Création Terre-net Média)

Une volonté du cédant

« On préfère toujours transmettre son exploitation dans le cadre familial ». Voyant venir l'âge de la retraite, Yves Vuillot, agriculteur à Grandlup-et-Fay (Aisne), a évoqué le sujet avec ses proches. Ainsi, cesser l'activité agricole « n'est pas une fin en soi, mais une continuité ». À l'un de ses enfants et son conjoint qui ont pris sa suite, il estime avoir « transmis une responsabilité, un métier qui n'est pas facile mais a du sens ».

La retraite, une continuité pas une fin en soi.

Claire Bossy, à Bazancourt (Oise), le confirme : il faut commencer à y réfléchir 10 ans au moins avant d'arrêter. Elle et son mari espéraient « céder à un ou une jeune », et que leur structure « continue sur la même lancée, en agriculture biologique, avec maintien du patrimoine herbager ». Sa plus grande satisfaction donc, comme celle de Pascal Patin, exploitant à Sorel (Somme) : qu'elle soit reprise, par leurs filles notamment, et reste une entreprise familiale. À Pas-en-Artois (Pas-de-Calais), Marie-Pierre Degeuser et son époux souhaitaient aussi des repreneurs pour l'exploitation qu'ils ont créée il y a 40 ans et qui « tourne ». Alors ils ont fait paraître une annonce au RDI (répertoire départ installation ), où ils ont trouvé leurs deux successeurs. 

Jean-Pierre Buisine, à Wavrin (Nord), ne s'attendait pas au retour de sa fille sur la ferme. « À ma grande surprise, elle m'a dit : "Papa, j'ai envie de m'installer". Je lui ai répondu : "ce n'est pas facile mais si c'est ce que tu veux faire, je t'accompagnerai et on verra la faisabilité de la chose". » « Qu'un enfant reprenne notre outil de travail, que nos parents et grands-parents ont façonné, est une vraie fierté », poursuit-il.

Écouter l'intégralité de leurs témoignages dans la vidéo ci-dessous :

Garder une ferme transmissible

« Cinq-six ans avant, nous aurions pu cesser tout investissement ou innovation, reconnaît François Bossy pour qui, au contraire, il faut continuer à investir en vue de conserver « des équipements en bon état ». Sinon une exploitation part vite à vau-l'eau. « Avec un outil performant, un troupeau sain, elle tourne tout de suite », met-il en avant. De même qu'Yves Vuillot, pour lequel il importe tout autant de mener encore des projets, dans la transformation, les circuits de commercialisation, etc. » La veille de prendre sa retraite agricole, il en avait toujours ! Quant à Pascal Patin, il a fait en sorte de préserver également la qualité de la terre. Côté matériel, il changeait régulièrement les pneus des tracteurs, y compris la dernière année, pour que ses filles « ne soient pas embêtées » et disposent de machines « fiables ». 

Un outil performant, qui tourne tout de suite pour le repreneur.

Intégrer le repreneur, transmettre ses savoir-faire

Selon Marie-Pierre Degeuser, un « tuilage » est nécessaire, surtout en cas, comme elle, de reprises hors cadre familial. Elle a donc embauché l'un des deux repreneurs sur la ferme et n'a « jamais rien caché tant au niveau des pratiques que des chiffres ». Au bout de deux ans, ils sont « devenus chefs d'exploitation » mais « s'ils ont besoin d'un conseil », Marie-Pierre sera « toujours là ». « Quelqu'un sur qui compter, ou au moins parler de ses problèmes, ça les rassure je pense. »

Ne rien cacher sur les pratiques et les chiffres.

François Bossy et sa femme ont, eux aussi, travaillé avec leurs filles pendant plus d'un an. Un moyen de vérifier que ce métier leur convenait. « Les projets sont souvent beaux au début mais, après plusieurs mois, la motivation diminue parfois », note l'agriculteur retraité. Aujourd'hui, il intervient seulement pour « des conseils stratégiques, au moment des semis, des fenaisons entre autres, afin d'être sûr que le stade est optimum ». « Un savoir-faire qui se transmet et ne s'apprend pas dans les livres », fait-il remarquer.  

Conseiller, sans mettre toujours son grain de sel.

Jean-Pierre Buisine, lui, a convié sa fille aux réunions de producteurs, pour « qu'elle les rencontre et puisse leur poser des questions ». « Régulièrement, mes filles me disent "mais si papa, on sait faire !", raconte Pascal Patin, « un peu sceptique pour l'entretien des tracteurs » qui s'est avéré « nickel ». « J'ai toujours tendance à mettre mon grain de sel, faut que je les laisse tranquille ! », s'exclame-t-il. Jean-Pierre Buisine le rejoint : « On est toujours tenté de faire à leur place, faut les laisser un peu se débrouiller. En 18 mois, ma fille a ainsi pris son autonomie. » Depuis son installation, le fils d'Yves Vuillot a déjà eu à « gérer pas mal de crises » et a « pris les bonnes décisions ». « Maintenant, c'est à lui de décider, moi je suis juste une petite main. »

Un prix de reprise juste

« Il n'y a pas de prix pour une ferme, on peut le gonfler comme on veut ! », lance François Bossy. « Mais à quoi bon, si les repreneurs ne s'en sortent pas ? », met-il en garde. « Pour que les jeunes n'aient pas un gros bâton dans les roues dès le départ, il faut faire un effort, appuie Jean-Pierre Buisine, indiquant que les autres membres de la fratrie étaient « d'accord », conscients que sinon « l'exploitation disparaîtra ». « Quand on ne cède qu'à l'un de ses enfants, on ne peut pas lui faire cadeau de tout, explique Pascal Patin, qui a eu la chance de transmettre à ses trois filles, donc de pouvoir le faire à un montant « raisonnable ».

Sinon un gros bâton dans les roues, dès le départ, pour les jeunes !

Pour évaluer la ferme, Claire Bossy a fait appel à un expert agricole, un notaire et un expert comptable. « Il est important de faire intervenir des personnes extérieures, afin que ni les cédants, ni leurs successeurs, ne remettent en cause les chiffres », insiste son mari. Deux méthodes d'évaluation ont été utilisées, patrimoniale et basée le potentiel de rentabilité, la moyenne entre les deux ayant donné la valeur de reprise de l'exploitation. Les exploitants ont réalisé une donation-partage entre leurs enfants. Ainsi, le fils qui a pris la suite a pu « reprendre une grande partie des parts et indemniser ses frères ». 

L'importance des facteurs humains

« Il y a l'économique certes, mais aussi l'aspect humain, souvent oublié », fait observer Claire Bossy qui a suivi, en plus de celle sur l'évaluation de la ferme, une formation avec des agriculteurs bientôt retraités et des futurs installés, l'ayant « beaucoup aidée pour savoir comment formuler ses demandes, communiquer avec ses successeurs, travailler ensemble quelque temps ».

Laisser les successeurs mettre leur touche.

Pour Yves Vuillot, il faut « accepter » que ceux qui s'installent fassent différemment. Ils mettent leur touche et « c'est très bien », souligne-t-il, citant l'atelier de fabrication de pâtes mis en place sur son ancienne structure. Peu importe « qu'ils aient abandonné une partie, rajouté une autre, l'essentiel est que l'exploitation perdure ». Jean-Pierre Buisine, dont la fille s'est lancée dans la vente directe, confirme : « Je l'ai accompagnée et je ne le regrette pas car aujourd'hui, nous vivons autre chose ensemble ». La voir « passer si rapidement du bureau aux pieds dans la terre » l'a particulièrement « surpris ».

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