Revenons un peu en arrière pour mieux comprendre. Joël L'Hermite s’est installé en 1983 sur l’exploitation de ses beaux-parents, avec son épouse. À la base, sur une exploitation de grandes cultures (115 ha de céréales, betteraves, maïs, pommes de terre et quelques pâtures), avec un atelier d’élevage de génisses pour des voisins. Dès son arrivée, le couple décide de se lancer aussi dans l'élevage caprin (18 chèvres), avec un atelier de transformation laitière, n'ayant pas de moyen de collecte dans le secteur. Au fil des années, l'exploitation évolue : avec l'arrivée d'un nouvel associé, Marcel Poisson, en 1990, le troupeau passe à 100 chèvres et l'atelier de transformation se développe avec la vente sur les marchés et l'accueil à la ferme. « On recevait environ 15 000 personnes par an. »
Réfléchir au devenir de l'exploitation
Approchant les 55 ans, Joël et son associé commencent à réfléchir au devenir de leur exploitation, leurs enfants respectifs ayant d’autres envies et d’autres projets. « Dans la région, les terres sont très recherchées, ce ne sont pas les voisins intéressés qui manquaient. Par contre, pour l’atelier caprin, c’était plus difficile de trouver des volontaires… », témoigne Joël. Les associés se renseignent auprès de la chambre d'agriculture de la Somme et de leur syndicat, la Confédération paysanne pour réfléchir à la façon de transmettre leur exploitation. Ils passent une annonce dans le Répertoire départ installation (RDI).
À partir de là, « souhaitant faire perdurer tout ce qu'on avait construit, nous avons rencontré plusieurs candidats, mais peu de projets sérieux », indique Joël. Et c'est finalement via le bouche-à-oreille, que les cédants trouvent leurs repreneurs au hasard de discussions. « Le fils d'un voisin du village et son épouse étaient intéressés : Aurélie Vandenbussche était infirmière et Mathieu salarié chez un pisciculteur. Ils ont décidé d'en faire un projet de vie » en reprenant l'ensemble des ateliers de l'exploitation. Ils ont passé plusieurs jours sur l'exploitation pour voir si le métier leur plaisait et quelle était la charge de travail.
Se faire aider
Convaincu, le couple démarre alors un processus d'environ an et demi à deux ans, entre réflexions, démarches administratives, formations à la transformation et à la commercialisation... Ils sont notamment accompagnés par la chambre d'agriculture et pour faire le "passage de relai", Joël et Marcel embauchent Mathieu en tant que salarié pendant six mois. Objectif : lui transmettre leurs savoir-faire (soin aux animaux, vente, gestion...). Aurélie et Mathieu ont repris le troupeau, le matériel, les bâtiments et la maison de la ferme. Concernant le foncier, Joël L'Hermite avait 15 ha en propriété, qu'il leur loue aujourd'hui, et pour le reste, il avait anticipé auprès de ses propriétaires dans les années 2000 pour des baux transmissibles.
Parmi les conseils à retenir pour les futurs cédants, Joël L'Hermite insiste sur l'importance de « réfléchir au moins 5 ans à l'avance » et « d'écouter les envies des repreneurs ». Autre point non négligeable : « être accompagné pour déterminer la valeur de l'exploitation, entre valeur patrimoniale et valeur de rentabilité... Nous avons pu y réfléchir lors de formations dédiées et nous avons également fait intervenir un expert foncier, qui nous a beaucoup aidés. [...] C'est important pour bien préparer sa retraite agricole et pour une reprise sereine ».
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En effet, « il faut accepter de passer le flambeau. J'ai été très heureux de travailler sur la ferme jusqu'au bout . Et même si j'ai versé quelques larmes le dernier jour, d'autres projets m'attendaient dès le lendemain ». Aujourd'hui, Joël L'Hermite témoigne d'un quotidien bien rempli entre « profiter de son temps libre, faire des travaux chez sa fille, participer au conseil municipal et au comité des fêtes de sa commune, etc. ». Et nous lui souhaitons une belle retraite !