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Comment optimiser fiscalement la cession d’une exploitation agricole ?

L'objectif : limiter la pression fiscale, sociale et patrimoniale de la cession de la ferme.

Le coût d’une cession peut vite grimper alors autant réduire la pression fiscale. Quels dispositifs solliciter et dans quels buts ? Sachant que le maître-mot est l’anticipation pour choisir les leviers les plus adaptés, avoir le temps de les mettre en place et qu’ils produisent les effets escomptés.

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« L’optimisation fiscale, comme la cession de la ferme elle-même, s’anticipe pour éviter de subir la fiscalité de la dernière année d’activité entre autres, prévient Patrice Girard, responsable des activités de conseil en gestion d’entreprises au CER France Terre d’Allier, après avoir été comptable fiscaliste pendant 20 ans. Qu’il y ait des choses à faire, ou pas, vaut mieux le savoir en amont pour avoir le temps de mettre en place les dispositifs en question – en se rapprochant de la cessation d’activité agricole, il est parfois trop tard pour pouvoir en bénéficier et/ou en ressentir les effets –, certains ayant intérêt à être mis en œuvre avant le départ en retraite de l’agriculteur, notamment parce qu’ensuite tous les biens se retrouvent dans le patrimoine privé. »

« Ce qui ne veut pas dire que d’autres ne peuvent pas l’être après », nuance-t-il, insistant : « Les enjeux fiscaux de la transmission d’une exploitation agricole vont souvent au-delà de la date effective de celle-ci, et peuvent impacter plus ou moins fortement les proches, le conjoint et surtout les enfants. » D’où l’intérêt d’une anticipation suffisante, de cinq ans minimum. Le but : limiter le plus possible la pression fiscale (impôt sur le revenu, CSG), sociale (cotisations MSA) et patrimoniale (droits de succession en particulier), car le coût peut vite monter à des centaines de milliers d’euros alors que, dans de nombreux cas, il pourrait être drastiquement réduit même en partant avec un patrimoine conséquent.

Ne pas être taxé sur les plus-values

Comment optimiser fiscalement la cession d’une exploitation agricole ? Avant toute chose, il faut établir un périmètre et un plan de cession : qu’est-ce que je garde, ou au contraire transmets, comment, à qui, etc., avec quels mécanismes comptables, fiscaux… Il s’agit ensuite de chiffrer les prélèvements obligatoires potentiels – impôt sur le revenu, CSG, cotisations sociales (MSA) – et se poser cette question essentielle : « êtes-vous imposable ou non aux plus-values ? ». Car l’objectif est de ne pas l’être, c’est-à-dire d’avoir un chiffre d’affaires inférieur à 350 000 € les deux années précédant la cessation d’activité. « De 350 000 à 450 000 €, la taxation est progressive, détaille Patrice Girard. Au-delà, elle est de 100 %. »

Pour bien comprendre, le comptable prend l’exemple d’un tracteur acheté 140 000 € en 2015, amorti sur 7 ans : « Fin 2022, sa valeur nette comptable est donc de 0. À la cession, en 2024, vous le vendez 50 000 € (valeur vénale). Vous réalisez donc une plus-value de 50 000 € qui rentre dans vos revenus. En considérant tous les matériels de la ferme, les plus-values peuvent rapidement atteindre 200 000 à 300 000 € et vous faire basculer dans la tranche d’imposition supérieure à 40 %. » Impossible de revenir sur les années écoulées, d’où la nécessité d’anticiper pour peut-être diminuer progressivement le chiffre d’affaires, et par conséquent l’activité.

Surveiller la fiscalité latente

Par ailleurs, vous devrez réintégrer ce qu’on appelle la fiscalité latente. Autrement dit : les DEP (déductions pour épargne de précaution) et DPA (déductions pour aléa), le solde des subventions, les amortissements dérogatoires pratiqués, etc. Autant de revenus en plus lors de la cessation d’activité : 30 000 € de DEP, à plusieurs reprises, 10 000 € de solde de subvention… et on arrive à plus de 100 000 € et là encore à un niveau de taxation de plus de 40 %. Tout cela permet donc de prévoir le coût de la cession de la ferme, à payer avant et parfois après : impôt sur le revenu, CSG, charges sociales. « Attention, alerte Patrice Girard. Que vous arrêtiez en fin ou début d’année, vous devrez vous acquitter d’un an de cotisations MSA. »

Dans le cas d’une transmission, il importe aussi de regarder les droits de succession, même si ce n’est pas de la fiscalité en tant que telle. « Il est généralement plus intéressant de transmettre les biens – foncier, bâtiments, matériel… – quand ils sont dans le patrimoine professionnel, soit avant de transmettre et qu’ils ne passent dans le patrimoine privé », fait-il remarquer. Il incite ensuite à définir ses besoins personnels et ses revenus à la retraite derrière, au regard de pensions modestes voire faibles, « si l’on veut maintenir un minimum ou au moins ne pas trop perdre en train de vie ».

Les leviers à disposition

« Ça n’est pas un objectif démesuré », juge-t-il. Les revenus complémentaires envisageables : la location de biens, les fruits du capital… L’interrogation sous-jacente : dois-je ou non conserver une partie de mon patrimoine pour faire face à d’éventuels coups durs – difficultés financières, problèmes de santé… –, financer un déménagement, une maison de retraite, etc. ? Quant aux leviers d’optimisation fiscale disponibles, certains ont déjà été cités : réaliser des amortissements dérogatoires, des DEP, baisser son chiffre d’affaires.

Autres voies à étudier : créer une société – « ce qui ne vaut pas le coup à moins de 5 années de la retraite car les plus-values sont imposables pendant 5 ans et il faudra ensuite la dissoudre par anticipation, or cela est impossible pour seules raisons fiscales » –, amortir le cheptel (en bovins allaitants seulement) pour restreindre les profits sur stock, bien choisir sa date de cessation d’activité car si elle correspond à celle de liquidation des stocks, il n’y aura pas de CSG à payer sur ces revenus.

Amortissements dérogatoires, DEP, réduire le chiffre d’affaires…

Patrice Girard explique en quoi l’amortissement de cheptel peut être bénéfique : « Le prix des animaux ayant pas mal augmenté ces derniers temps, une vache peut se vendre entre 2 500 et 3 000 € pour un prix d’achat aux alentours de 1 500 € il y a plusieurs années. D’où un profit sur stock de 1 000 à 1 500 € à multiplier par l’effectif du troupeau. L’équivalent, pour un cheptel moyen dans l’Allier de 100 vaches allaitantes, de 100 000 à 150 000 €. L’amortissement de cheptel permet, comme pour le matériel, de ramener leur valeur nette comptable à 0. Le profit sur stock devient une plus-value qui n’est imposable qu’au-dessus de 350 000 € de CA. »

Le comptable tient à préciser : « Cette liste n’est pas exhaustive. De plus, chaque exploitation et chaque exploitant sont particuliers, les leviers pour optimiser fiscalement la cession sont donc propres à chacun et chacune. » Il attire l’attention sur les sociétés agricoles où les cessions de parts peuvent générer des plus-values. Les plafonds sont cependant modifiés en fonction du nombre d’associés. Pour un Gaec à 2, ils sont doublés : pas de taxation en dessous de 700 000 € de CA. Les dispositifs fiscaux, eux, seront à choisir en conciliant les attentes des associés sortants et restants.

Source : webinaire « Les enjeux fiscaux de la cessation d’activité agricole » organisé mi-novembre par la chambre d’agriculture de l’Allier, dans le cadre de la Quinzaine 2025 de la transmission/reprise d’exploitations agricoles.

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