![]() Selon les auteurs du rapport ministériel, les outils utilisés jusqu'ici pour diminuer l'impact de la variabilité des prix s'avèrent décevants. (© Terre-net Média) |
Dès le début de l’année, un groupe de travail et de réflexion, mis en place et coordonné par Bernard Sénécal, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts a organisé une réflexion sur les voies et moyens d'une régulation des marchés agricoles dans le contexte des évolutions récentes et à venir de la Politique agricole commune.
Des travaux conduits découle la publication sur le site du ministère de l’Agriculture, vendredi 15 octobre, du rapport « Les voies et moyens d’une nouvelle régulation », qui préconise un certain nombre de recommandations.
Acre et Agri-stabilité permettent le maintien de la compétitivité en cas de forte variabilité des prix
« Le tour d’horizon des politiques agricoles dans les principaux pays producteurs montre qu’ils ont gardé l’essentiel de leurs outils d’intervention, même s’ils les ont modifiés, notamment pour les rendre plus efficients », note le rapport. Cette efficience suppose de « disposer à la fois de moyens d'intervention, d'un dispositif d'alerte pour prévenir et caractériser les crises et d'un processus de décision permettant un premier train de mesures dès le seuil d'alerte atteint ».
Dans cette perspective, les collaborateurs du rapport semblent avoir été séduits par les instruments à caractère pluriannuel Acre, utilisé aux Etats-Unis, et Agri-stabilité, employé au Canada. Dans un contexte de forte variabilité des prix, de tels dispositifs « répondent à un besoin indispensable au maintien de la compétitivité, en offrant une visibilité minimale sur quelques années, nécessaire pour sécuriser les investissements », note du reste le rapport publié par le ministère.
Le dispositif canadien Agri-stabilité :
Il couvre une partie de la diminution de la marge de production par rapport à la moyenne quadriennale de l’exploitation, contre une participation (3,82 $ par tranche de marge de 1.000 $Can ).
L'indemnisation versée est par exemple de :
- 0 % si la diminution est inférieure à 15 % (rôle de agri-investissement, programme d'incitation à l'investissement et d'épargne de précaution),
- 70 % si la diminution est comprise entre 15 et 30 %,
- 80 % si elle est de 30 à 100%,
- 60 % si elle est négative, mais avec conditions (assurance récolte…).
Coût prévu : 8 Md can $ devraient être consacrés à cette politique (comprenant aussi le programme d'assurance récolte et celui d'incitation à l'investissement) sur cinq ans, pour une valeur de production de 40 Md, soit 4 % par an, réparti entre l'État fédéral (60 %) et les provinces (40 %).
Le dispositif Acre (Average crop revenue election) aux Usa :
Nouveau programme inclus dans le Farm Bill de 2008, il se présente comme une alternative aux paiements contra-cycliques. Il doit être souscrit pour toute la durée du Farm Bill, soit jusqu'à 2012 et pour toutes les cultures éligibles (22 en fait) et dans la limite de la surface de référence de l'exploitation.
- la cotisation : c'est le renoncement à 20 % du montant des aides directes et à la totalité des paiements contra-cycliques, mais l'exploitation reste éligible au loan rate, avec toutefois un prix garanti réduit de 30 %,
- deux conditions doivent être remplies pour bénéficier de ce dispositif : des pertes de récoltes et de chiffres d’affaires, constatées au niveau de l’Etat et, des manques à gagner conséquents à l’échelle de l’exploitation (référence prise : la moyenne quadriennale des rendements par le prix national garanti).
- si ces deux conditions sont réunies, l'aide à l'ha est égale à la différence entre CA réel et CA garanti de l'Etat, plafonnée à 25 % du CA,
- l'aide à l'ha est appliquée à 83,3 % de la surface de l'exploitation avec un ratio de rendement, permettant de tenir compte du rapport entre la moyenne quadriennale de rendement de l'exploitation avec celui de l'état.
Une nouvelle approche
La présentation dans le rapport « Voies et moyens d’une régulation nouvelle » de ces deux dispositifs s’inscrit dans la volonté de « rechercher des outils de 2ème génération, nécessairement publics, à cause de leur caractère pluriannuel et du risque systémique couvert, visant à éviter la captation d’une partie importante des crédits par les assureurs (plus de 30 % aux Usa : l’aide aux frais de gestion et la réassurance représentent 2,6 Md $ sur 8,3) ».
Selon les auteurs du rapport du ministère de l'Agriculture, l’alternative à la stabilisation des prix a été ces dernières années « de chercher à réduire les effets de leur variabilité par la stabilisation des revenus, notamment par des instruments de nature privée, même s’ils peuvent bénéficier de concours publics ». Or les outils employés déçoivent. « Ceux de type assurantiel sont la grande déception des dernières décennies, d’une part parce que leur essor est gourmand en soutiens publics, pour conjurer l’anti-sélection et l’aléa moral, et d’autre part, parce que, du fait de leur caractère annuel, ils ne peuvent se dispenser de filets de sécurité, tant par des mesures de marché, en cas de prix durablement bas, que par des soutiens au revenu (paiements contra-cyclique, aides directes découplées)», commentent les auteurs du rapport publié par le ministère.
Nous reviendrons ultérieurement sur les préconisations du rapport « Voies et moyens d’une nouvelle régulation ».