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Andreas Boersch, céréalier dans le Manitoba : quatre clés pour réussir
« Au Canada, nous avons deux mots à la bouche : marketing et production. En Europe, vous n’en avez qu’un : production ». Andreas Boersch, agriculteur canadien (province du Manitoba), a mis en pratique son adage l’hiver dernier, comme chaque année.
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Plus de six mois avant la récolte, il était ainsi assuré de toucher 180 $Can/t d’avoine (1), soit au total pour 1.100 tonnes, 198.000 $Can. Avec un rendement moyen de 5,5 t/ha, des coûts de production hors foncier de 510 $Can (2) et un chiffre d’affaires de 990 $Can/ha, il savait dès décembre dernier qu’il allait réaliser un revenu (hors charges foncières) de 480 $Can/ha, soit pour sa récolte vendue à terme, 96.000 $Can (1.100 x 480 /5,5 t).
« Au Canada, vendre toute sa production à la récolte est inimaginable »
Cette année, la récolte s’est présentée sous de mauvais auspices, avec la flambée des céréales et des rendements faibles. Andreas a cependant honoré son contrat et profité, pour les 60 % de la récolte non engagés, de la hausse des cours de cet été.
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L’utilisation du marché à terme se substitue en quelque sorte à l’absence de soutiens publics à la production. Mais attention, « je suis tenu de livrer, au terme du contrat, la quantité de marchandises sur laquelle je me suis engagé, à la qualité prévue. Aussi, pour réduire les risques, je ne vends pas plus de 60 % de chaque récolte. Sinon, le coût financier pour honorer mes contrats serait énorme », ajoute Andreas.
Disposer d'une capacité de stockage importante
Autre clé de réussite, outre le marché à terme, selon l’agriculteur canadien : disposer d’une capacité de stockage importante, comme lui qui peut stocker 80 % de sa production, pour pouvoir livrer ses grains au moment opportun. En effet, une faible capacité de stockage constitue un facteur limitant pour profiter des opportunités du marché et peut rendre l’exploitation plus vulnérable. Surtout, lorsque les céréaliers ne disposent pas de fonds de roulement pour financer la prochaine campagne.
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En fait, pour cet agriculteur, comme pour l’ensemble des céréaliers canadiens, c’est le niveau de revenu, et non pas le rendement visé, qui motive la prise de décision. « Calculette en poche, un céréalier canadien ne traitera une culture que si le supplément de rendement attendu dégage une marge supplémentaire conséquente », assure-t-il.
(1) 1 $Can équivaut à environ 0,695 €
(2) Semences, produits chimiques, fertilisants, fuel, huile, assurances, machines, salaires, intérêts, taxes et autres (foncier non inclus).
Maxime Roque, élève ingénieur à Purpan, avec Frédéric Hénin
L’exploitation d’Andreas en quelques chiffres : 1.954 ha, dont 283 ha en fermage (86 €/ha) Assolement 2009/10 : |
En France
Pascal Van de Weghe, polyculteur en Picardie : des marges de manœuvre limitées
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Je ne peux pas envisager de produire des céréales sans respecter un certain nombre de contraintes culturales et environnementales. Les soutiens publics (aides directes, Mae) que je reçois en dépendent. Et ils sont indispensables pour dégager un revenu et pour compenser certaines charges élevées (de mécanisation, liées notamment à la taille de l’exploitation, pour respecter les contraintes).
Pour être plus performant, le recours aux Ogm est bien sûr exclu même s’il constitue, selon moi, un nouveau levier pour augmenter les rendements, sans que ce soit au détriment des charges (prix des semences entre autres).
Pour ma part, je ne suis pas favorable aux Ogm en tant que consommateur. C’est en ayant adopté les principes de l’agriculture raisonnée, comme beaucoup de mes collègues, que j’ai réduit mes charges. L’emploi de semences fermières est également une source d’économies substantielles.
Choix stratégiques de commercialisation
Comme mes collègues français, je préfère des prix rémunérateurs à des soutiens publics. La suppression de ces derniers signifierait la suspension de toutes nos contraintes, coûteuses économiquement. Ce qui nous conduirait alors à recourir, systématiquement, à d’autres outils de régulation de nos revenus insuffisamment employés, comme le marché à terme.
Cette technique de vente est actuellement marginale. Nous sommes peu d’agriculteurs à y avoir recours en direct. Ce sont davantage les organismes stockeurs qui l’utilisent et qui peuvent passer des contrats à la place des agriculteurs. En revanche, nous sommes nombreux à suivre les cours sur internet au quotidien. Et même plusieurs fois par jour ! Il en va de nos choix stratégiques de commercialisation, afin d’optimiser nos prix de vente. »
Exemple : production de blé sur l’exploitation de Pascal (2009/2010) Charges proportionnelles : 220 € Revenu par ha avec aides : 655 € |
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°1. Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI. |
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