![]() Les agriculteurs polonais, comme Zenon et son fils Marcin, devront être des chefs d’entreprise compétents, aptes à maîtriser leurs coûts de revient. Ils devront suivre l’évolution des marchés au niveau local et européen. Mais l’Etat l’a-t-il seulement compris ? (© Offre et demande agricole) |
Zenon Michalek et son fils Marcin à Ogorzelice en Pologne (environ 100 km de Varsovie)
![]() (© Terre-net Média) |
La Pac et le foncier ne sont pas une sinécure
En poussant les agriculteurs possédant plus de 500 ha en location à acquérir jusqu’à un tiers des terres qu’ils exploitent, le gouvernement contrarie leurs projets de modernisation et de développement. Craignant de perdre une partie des 250 ha qu’ils louent, Zenon et Marcin Michalek, céréaliers à Ogorzelice, vont prioriser leurs investissements aux dépens de la relance de leur production de porcs.
Le gouvernement, qui plaide à Bruxelles pour que les agriculteurs polonais perçoivent des aides équivalentes à celles allouées dans les pays occidentaux, essaie dans le même temps de conforter les exploitations de taille moyenne en facilitant l’achat de terres devenues rares.
Depuis la fin du régime communiste, l’Etat polonais loue à des fermiers les terres des anciennes fermes d’Etat de l’époque soviétique, constituées sur une partie du territoire. Jusqu’à l’an dernier, l’acquisition des parcelles en location était possible, sans contrainte particulière. Mais depuis 2011, un décret invite les exploitants de plus de 500 ha à racheter à l’Etat jusqu’à 30 % des surfaces qu’ils exploitent.
Nouvelle épée de Damoclès
La Pologne veut devenir un pays agricole majeur de l’Union européenne. Pour y parvenir, le gouvernement compte céder les terres ainsi libérées aux agriculteurs cultivant moins de 100 ha ; ceci afin d’améliorer la productivité de leurs exploitations avant l’ouverture du marché foncier polonais aux étrangers en 2016.
Pour les agriculteurs polonais, le décret de 2011 est une nouvelle épée de Damoclès : ceux qui ne peuvent pas racheter 30 % des terres louées pourraient voir très rapidement leur exploitation amputée.
Changement de priorité
![]() En s’installant en 2006, Marcin a réintroduit sur l’exploitation la production porcine en créant un atelier naisseur de 400 truies. (© Offre et demande agricole) |
Certes, seuls les exploitants qui cultivent plus de 500 ha sont officiellement concernés par ce décret ; mais à Ogorzelice, Marcin et Zenon, aujourd’hui propriétaires de 90 ha, ont décidé d’anticiper l’évolution de la réglementation foncière.
Pour pérenniser leur outil de production et sécuriser leur revenu, leur priorité est d’acheter une partie des terres qu’ils louent (environ 4.500 €/ha, Ndlr). Et non plus, comme l’an passé encore, la construction de nouveaux silos et la rénovation de bâtiments pour l’élevage de porcs (un investissement de 2 millions de zlotys, soit 500.000 €). Les deux agriculteurs sont donc arrêtés dans leur élan de modernisation, faute de fonds propres puisqu’une grande partie des revenus sert au remboursement des prêts contractés, qui coûtent très cher. Or jusqu’à présent, le montant des fermages laissait des marges de manœuvre pour investir et équiper l’exploitation.
Sensibles à la volatilité des prix
En s’installant en 2006, Marcin a réintroduit sur l’exploitation la production porcine, abandonnée en 2004 par son père alors engraisseur. Dorénavant naisseur (400 truies), il nourrit les 7.000 porcelets vendus par an à 90 % avec les céréales et les oléagineux de l’exploitation : Zenon fabrique l’aliment grâce à une nouvelle unité de production entièrement automatisée.
Depuis que les deux agriculteurs polonais utilisent des produits phytosanitaires et des engrais, les bons rendements en blé (6,5 t/ha) et en colza (4,5 t/ha) rentabilisent l’élevage porcin : ils le rendent moins dépendant des prix volatils de l’alimentation animale.
Zenon cède en priorité les céréales à son fils. Pour les autres agriculteurs polonais en revanche, cette volatilité s’est accrue suite à l’essor des biodiesels en Pologne et à l’entrée du pays dans l’UE. Et elle fragilise leur trésorerie.
La Pac, une contrainte de plus
« Les marchés à terme et les stratégies de fixation de prix de ventes minimum via des options peuvent limiter la sensibilité de Zenon, de Marcin et des autres céréaliers polonais aux risques de prix, explique Régis Miola, directeur de la filiale polonaise d’Offre et demande agricole (Oda). Toutefois, ces outils proposés par Oda sont encore peu connus et peu employés en Pologne. »
Période soviétique Avant 1989, la Pologne faisait encore partie des pays du bloc soviétique. L’exploitation des Michalek était alors une ferme d’Etat et Zenon en était le directeur. L’exploitation nationale agricole (appelée Pgr) employait 30 ouvriers sur lesquels reposait l’effort de production. La privatisation, initiée en 1989, a duré quatre ans. Zenon devient alors exploitant de terres qui restent la propriété de l’Etat. Ces quatre années de transition d’un système communautaire à une organisation capitaliste ont été compliquées. Mais grâce à la ténacité de Zenon, la ferme a survécu. Depuis 1993, l’agriculteur loue l’essentiel de ses terres à l’Etat. |
Dans le cadre de la nouvelle Pac de 2014, Marcin et Zenon veulent évidemment toucher le maximum de subventions et d’aides européennes. Selon eux, la prochaine Pac devra également favoriser le recours aux outils de régulation (marchés à terme, assurances). Mais surtout, les deux céréaliers polonais espèrent être traités de la même manière que les agriculteurs allemands et français. Et si tel n’est pas le cas, ils préfèrent être livrés à eux-mêmes plutôt que de se voir imposer des normes qui suppriment tout l’intérêt d’être intégrés dans la Pac.
En fait, Zenon et Marcin ne se font guère d’illusions sur la capacité de leurs représentants politiques à se battre pour autre chose que pour leurs intérêts propres.
Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°19
Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, |