Des agriculteurs de la CR tentent vainement de manifester à Paris

A la veille du coup d'envoi de la campagne électorale pour les chambres d'agriculture, les bonnets jaunes du deuxième syndicat agricole veulent faire entendre leur voix : contre les accords de libre-échange, contre la concurrence déloyale, y compris intra-européenne, et contre les contrôles dans les fermes. En tracteur ou en voiture, des agriculteurs ont tenté en vain lundi de se rassembler à Paris, retenus par les forces de l'ordre.

Lundi matin, une dizaine de tracteurs et une quinzaine de voitures qui stationnaient au niveau de la zone industrielle d'Ablis Nord (Yvelines) ont forcé le passage et se sont engagés sur la route nationale N10, avant d'être bloqués au niveau des Essarts-le-Roi, a-t-on appris de source policière. Un autre convoi était bloqué à Orveau, dans l'Essonne.

Dans l'Essonne, un barrage des forces de l'ordre a été forcé par six tracteurs, interceptés par la suite. Des agriculteurs ont été autorisés, dans un climat tendu, à rejoindre avec leurs 21 tracteurs le site d'une sucrerie Téréos située à Artenay dans le Loiret ; ceux en véhicule personnel se sont engagés à renoncer à Paris et partiront en trois convois encadrés, selon une source policière.

En Seine-et-Marne, deux petits convois ont également été contenus par les forces de l'ordre, de même source. Dans le Rhône une trentaine de tracteurs ont été repérés sur une route en direction de l'autoroute A7.

Atteindre Paris en vain

Dans la capitale même, quelques dizaines étaient présents lundi matin, venus notamment de la Marne et de l'Aube, et ont tenté de se rassembler au Trocadéro pour rejoindre l'Arc de triomphe. Mais contrôlés par les forces de l'ordre, ils n'y sont pas parvenus. Non loin de Matignon, sept autres accompagnés d'une chèvre ont été « évincés sans incident », selon une source policière.

Les autorités « n'ont jamais voulu nous laisser entrer dans Paris. On a demandé un point de chute pour un rassemblement, mais on ne l'a jamais obtenu », a déclaré à l'AFP le secrétaire général du syndicat Christian Convers, depuis le Trocadéro, réfutant toute « intention de bloquer quoi que ce soit ».

« On va arrêter là, les agriculteurs rentrent chez eux », a-t-il dit en fin de journée. « Mais on prend note de l'entrée en matière de ce gouvernement à l'égard des agriculteurs. On n'a jamais vu une telle approche du monde agricole. Les agriculteurs apprécieront ».

« Une urgence non justifiée » selon la ministre 

Tout en disant comprendre « l'inquiétude » des exploitants, la ministre de l'agriculture Annie Genevard a prévenu qu'il n'était pas question de laisser la capitale être paralysée, alors que plusieurs représentants de la CR ont affirmé ces derniers jours qu'ils souhaitaient bloquer Paris ou le marché international de Rungis.

« Non, on ne bloque pas, en plus un jour de rentrée scolaire, un jour de rentrée pour les Français. Pas de blocages qui compromettent finalement l'image des agriculteurs auprès des Français. Et pas de violence », a-t-elle prévenu, interrogée sur TF1. « Je ne suis pas certaine que les agriculteurs se rendent plus populaires auprès des Français s'ils les empêchent d'aller travailler ou de circuler librement », a-t-elle ajouté lundi soir sur BFMTV.

La ministre a évoqué une mobilisation de 200 agriculteurs et d'une cinquantaine de tracteurs sur l'ensemble du territoire.

Rappelant que le Premier ministre François Bayrou recevrait les syndicats agricoles lundi prochain, elle a estimé que « l'urgence qu'ils mettent en avant pour être reçus maintenant, ici tout de suite », ne se justifiait pas vraiment.

Lundi, Emmanuel Macron a également assuré que la « messe n'était pas dite ». « On continuera de défendre avec force la cohérence de nos engagements », a-t-il affirmé.

Sur le terrain, les manifestants déploraient d'être bloqués du seul fait de « porter un bonnet jaune » et se disaient déterminés à avancer, alors qu'une interdiction de rassemblement courait jusqu'à lundi 12h00. « Nous allons forcer les barrages », a déclaré lundi matin Sébastien Héraud, membre du comité directeur de la CR sur France Info.

« Pas là pour camper »

Le secrétaire général du syndicat, Christian Convers, dit avoir envoyé un message au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau et au chef de cabinet du Premier ministre pour demander « un point de chute dans Paris ». Les autorités peuvent faire « l'encadrement qu'il faut mais nous, on assure qu'il n'y aura aucun problème de débordement », a-t-il ajouté. « Que les parlementaires puissent venir discuter un moment avec nous, et on repartira. On n'est pas là pour camper à Paris, on n'est pas là pour embêter les Parisiens », a-t-il dit sur RMC.

« Notre but est d'essayer d'avoir une rencontre avec le Premier ministre ou de parler avec des parlementaires, mais là ils nous empêchent carrément de manifester », a-t-il répété.

M. Convers avait été brièvement interpellé par la police dimanche en fin d'après-midi à Paris, au moment où il arrivait -en voiture- pour participer à un regroupement symbolique place du Brésil, en protestation contre le récent accord commercial entre l'UE et des pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay). Cet accord est accusé par les agriculteurs français de favoriser l'importation de produits à bas coûts et aux normes environnementales moins élevées que celles qui leur sont imposées.

« Besoin de réponses »

Le président de la CR de l'Aube, Christophe Sichnknecht, a mis en avant l'urgence de certaines situations : « on a besoin de réponses ». « Aujourd'hui c'est le coup d'avertissement, on est capable d'aller où on veut », a-t-il assuré.

Adhérent du syndicat, Frédéric Bourbonneux, qui cultive 15 ha à Nogent-sur-Seine (Aube), raconte avoir perdu cette année 50 % de rendement en blé. « L'assurance climatique compense à peine 10 % (des pertes), les impôts et cotisations ont augmenté alors que le prix des céréales baissait sur les marchés, on n'y arrive pas », affirme-t-il.

La préfecture de police de Paris a interdit les rassemblements non déclarés de dimanche 18h à lundi 12h dans un large périmètre du centre de Paris, incluant notamment Matignon et le ministère de l'agriculture, « considérant les appels à manifester le 5 janvier 2025 lancés par un syndicat agricole en vue de "bloquer la capitale" ».

La préfecture du Val-de-Marne en a fait de même autour du marché de Rungis et sur l'autoroute A6.

Cette mobilisation intervient avant les élections professionnelles, organisées du 15 au 31 janvier, qui détermineront les nouveaux rapports de force entre syndicats agricoles : la CR, qui a gagné en visibilité à la faveur d'actions coups de poing depuis l'hiver dernier, espère ravir une quinzaine de chambres à l'hégémonique alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs.

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