A 42 ans, désireux, comme nombre de confrères de sa génération, de "monter en gamme", il s'essaie à créer quelques productions limitées, sans pour autant négliger le simple vin d'appellation qui assure encore l'essentiel de ses revenus.
Michel Bédouet a ainsi affiné deux cuvées à base de vieilles vignes au rendement réduit. Le vin est plus long en bouche, sa couleur a pris des reflets ambrés, son arôme s'est fait plus complexe après le passage prolongé sur les lies - des levures naturelles. Il peut vieillir en cave, au contraire des muscadets habituels, qui s'apprécient "sur le fruit".
Est-ce encore du muscadet ? "On tente de développer ce que nos pères ont toujours fait à petite échelle, pour leur plaisir de vigneron", affirme en tout cas Michel Bédouet.
L'une des cuvées conserve la fraîcheur aimable du vin de Nantes, ce très léger pétillant si reconnaissable qu'on appelle ici "friand". L'autre, vieillie en fûts de chêne, ne rappelle en rien le cépage melon caractéristique du Pays nantais.
"Dans des dégustations à l'aveugle, on a pris ce vin pour du bourgogne blanc", s'amuse le viticulteur, peu soucieux apparemment que la typicité du muscadet ait disparu dans l'opération.
"Il faut évoluer", assure-t-il. "Ce qui me motive, c'est de façonner mon vin, de lui donner les qualités que j'aime goûter." Le passage aux fûts de chêne de préférence aux cuves en inox a ici une importance symbolique. Ils sont peu nombreux entre Sèvre et Maine, aujourd'hui encore, à recourir au bois pour élever les vins. Leurs grand-pères en achetaient autrefois sur le port de Nantes. Certains de ces tonneaux avaient transporté de l'huile, ou des fruits exotiques. Le résultat était aléatoire.
L'anecdote appartient à la légende pittoresque du "petit blanc de Nantes", apprécié à l'époque au comptoir par des consommateurs peu fortunés et, sans doute, moins sourcilleux sur la qualité qu'on ne l'est en 2002.
Le muscadet, qui fut le "vin-boisson" par excellence, souffre aujourd'hui d'avoir continué à bien se vendre sans beaucoup évoluer, au moment où d'autres vignobles étaient déjà contraints de prendre le virage du "vin-plaisir".
"On a un vrai problème de valorisation", explique Michel Bédouet. "Dans l'esprit des consommateurs, le muscadet reste un petit vin. On en fait donc plus que les autres pour démontrer notre savoir-faire et monter en gamme. Et cela alors même que nos prix de vente devraient nous empêcher tout investissement." Michel Bédouet a rejoint, avec une cinquantaine d'autres viticulteurs de sa région, la fédération nationale "Terra Vitis", qui milite pour une pratique viticole proche du bio et garantit la traçabilité du vin.
Il avoue, modeste, que le vin estampillé "Terra Vitis" n'a pas forcément meilleur goût que les autres. Son pari, c'est "l'obligation de qualité" que contrôle un organisme de certification. Il mise sur elle pour convaincre des distributeurs que "le muscadet a changé". |