La maladie bovine, ou encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), identifiée sur le territoire britannique où elle a émergé vers 1980, a depuis essaimé au delà des frontières de l'Europe occidentale, par le biais notamment des exportations de farines animales suspectes. Mais c'est en 1996, au moment où le gouvernement britannique a reconnu une transmission possible à l'homme par le biais de l'alimentation, que le problème a pris toute sa dimension économique et sanitaire. Les spécialistes sont certains d'avoir affaire à une maladie qui a franchi les barrières séparant les espèces, avec la quasi-certitude que sa transmission s'est faite via la chaîne alimentaire. L'habitude de répandre autrefois de la cervelle bovine, la partie la plus à risque, dans de multiples produits alimentaires comme les hamburgers ou la mayonnaise, a largement contribué à l'exposition des populations. La contamination par ingestion de l'agent de l'ESB, caractérisée par une forme anormale d'une protéine dénommée prion, est apparue d'autant plus plausible à l'époque qu'il y a d'autres exemples connus comme le Kuru, maladie humaine liée à des rites mortuaires cannibales, ou l'encéphalopathie du vison d'élevage transmise par un aliment comportant des carcasses de bovins ou de moutons. A présent, la transfusion sanguine reste un sujet d'inquiétude, avec la crainte d'une transmission inter-humaine du vMCJ par le sang, même si cette possibilité, observée dans des expériences animales, n'a jamais été démontrée chez les humains. L'ampleur du passage de la maladie bovine à l'homme demeure inconnue, en raison d'incertitudes portant en particulier sur la durée de l'incubation du nouveau variant. Cependant, toutes les estimations - de quelques centaines de cas à plusieurs dizaines de milliers pour le Royaume-Uni, qui reste le pays le plus touché au monde avec 127 cas - reposent sur l'hypothèse que seuls les individus présentant une particularité génétique (40 % de la population) sont susceptibles de développer la maladie. Mais cette hypothèse pourrait se révéler fausse à l'usage, selon les experts. Il n'existe ni vaccin ni traitement contre la forme humaine de l'ESB, le nouveau variant qui est inéluctablement mortel comme toute cette famille d'encéphalopathies transmissibles, animales (ESB, tremblante du mouton, maladie du dépérissement chronique des cerfs...) ou humaine (MCJ classiques).
En Grande-Bretagne, "l'épizootie bovine a quand même marqué un tournant après 1996, après les super-mesures" pris pour la réduire, estime un expert reconnu, le Pr Jeanne Brugère-Picoux (Ecole nationale vétérinaire d'Alfort) à l'annonce vendredi de l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) favorable à la levée de l'embargo français sur le boeuf britannique. "Je comprends la levée de l'embargo, mais je voudrais que les gens sachent l'origine de la viande distribuée dans les collectivités, les cantines scolaires, c'est un droit", ajoute-t-elle. Malgré les garanties apportées par le Royaume-Uni, la spécialiste avoue qu'elle "ne donnerait pas encore de produits bovins britanniques à ses enfants et en particulier pas de collier". "J'attends plus de résultats de tests notamment sur les animaux à risques (accidentés...). Quand les Britanniques réintroduiront les bovins de plus de 30 mois (plus à risque) dans l'alimentation humaine, alors nous saurons qu'ils sont rassurés et nous le seront aussi", dit-elle. |