Alors que la saison touche à sa fin dans la plupart des vignobles, les viticulteurs les plus inconditionnels promettent déjà un millésime "exceptionnel", proche du grand millésime 2000, avec des vins gras et structurés, des arômes élégants, même si pour d'autres l'avenir est encore incertain. Pour de nombreux professionnels, la récolte sera de bonne qualité mais pas abondante, avec une baisse de production qui varie, selon les terroirs, de 20 à 50 % par rapport à l'année dernière.
Cette baisse est dûe à une mauvaise fécondation de la fleur au printemps et, malgré les apparences, à une sécheresse qui a réduit au mois d'août le jus dans les grappes dans des proportions parfois très importantes: de l'ordre de 20 % en un mois, ce qui représente des milliers d'hectolitres sur tout un vignoble qui couvre 118.000 hectares en AOC. Mais Bacchus veillait au grain: depuis début septembre, pour la qualité, les conditions ont été idéales. Un petit vent de nord-est a séché et confit les grappes, la fraicheur des nuits a concentré les sucres et bloqué la pourriture, alors que le chaud soleil dans la journée redynamisait la vigne. Un été indien inespéré. "C'est le bonheur, exulte Bruno van der Heyden, propriétaire du Château Monbrison à Margaux, dont la production sera inférieure de 30% par rapport à l'année dernière.
"Ce sera un millésime de révélation, la qualité et les couleurs sont magnifiques. Tout cela va redynamiser un marché qui n'aurait pas supporté un gros volume". Fin août, le désespoir avait gagné les viticulteurs, même ceux qui avaient longuement travaillé la vigne. Mais l'espoir est revenu avec l'anti-cyclone qui s'est installé sur la région, entraînant une maturation lente des grains. "Il y a certes des stocks, mais nos viticulteurs vont souffrir de l'insuffisance de la récolte", tempère Hubert de Bouard, propriétaire de Château Angélus et président du Syndicat viticole de Saint-Emilion, où les propriétés sont généralement petites. "Il s'agira d'un millésime de vignerons, qui pourra être excellent pour ceux qui auront su être attentifs". Ce sentiment est partagé par Yann Le Goaster, directeur de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, qui regroupe les 34 syndicats viticoles de la région. "Septembre a été miraculeux, affirme-t-il, mais la qualité risque de ne pas compenser la baisse des volumes qui va présenter un important manque à gagner". Face aux grands crus, dont les prix paraissent parfois exorbitants et qui ne représente que 5% des vins de Bordeaux, Yann Le Goaster défend les autres AOC de la région, qui sont "dans le marché", face à la concurrence étrangère, avec des prix variant entre 5 et 8 Euros la bouteille.
Pour lui, 2002 est une millésime "atypique", avec des richesses en sucre naturel très élevés, mais il craint qu'un faible volume de la récolte n'entraine de nouveaux dérapages au niveau des prix. |