Réunis à Luxembourg, les ministres de l'Agriculture des Quinze n'ont pas avancé d'un iota vers un compromis sur les autorisations de nouveaux OGM, les seuils de tolérance de leur présence accidentelle dans l'alimentation ou ceux à partir duquel un étiquetage spécifique doit être imposé sur les produits avec OGM. L'élaboration d'un éventuel accord a été renvoyée à une prochaine réunion en novembre, repoussant au mieux à 2003 toute décision sur le moratoire. "On verra comment les choses se passent. La question ne se posera que dans neuf ou dix mois", a estimé le ministre français, Hervé Gaymard. "Une fois les conditions requises, il faudra une décision politique sinon c'est la loi de la plus grande trouille qui l'emportera", a-t-il ajouté. "Nous devons quelque chose au consommateur: nous devons lui permettre de faire la distinction entre les denrées alimentaires contenant des OGM et les autres", a déclaré devant la presse la ministre danoise Mariann Fischer Boel, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE. Mais, a-t-elle constaté, "il n'est pas encore possible d'arriver à un accord politique". Partisan d'une plus grande flexibilité sur les OGM, le commissaire européen à la Santé et la Protection des consommateurs, David Byrne, a masqué sa déception en soulignant qu'il n'avait jamais été "question d'une levée du moratoire cette semaine". "Lentement mais sûrement, nous allons dans cette direction", a-t-il jugé. A l'inverse, les écologistes de Greenpeace, dont quelques militants était venus manifester à Luxembourg contre les OGM, ont affiché leur satisfaction devant les divisions européennes. Faute de traçabilité et d'étiquetage appropriés, sept des Quinze (France, Danemark, Belgique, Luxembourg, Italie, Autriche, Grèce) ont imposé depuis 1999 un moratoire sur la mise sur le marché de nouveaux OGM, bloquant l'autorisation de 13 d'entre eux pourtant jugés sans risques par les experts scientifiques. Cet embargo de fait, motivé notamment par l'inquiétude des opinions publiques au plan sanitaire, suscite l'ire des Etats-Unis, où la plupart de ces OGM ont été élaborés, et met l'UE sous la menace d'éventuelles attaques devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Depuis juillet 2001, Bruxelles propose de tolérer une présence "accidentelle" de 1% d'OGM dans les aliments et d'imposer un étiquetage spécifique au-delà de ce niveau. Mais ce seuil est jugé trop laxiste par le Parlement européen ou les écologistes qui réclament son abaissement. Bruxelles suggère aussi de centraliser au niveau de la nouvelle Agence européenne de sécurité des aliments (AESA) les autorisations de mise sur le marché de nouveaux OGM. Onze des Quinze ont soutenu lundi ce dernier point, contre l'avis du Danemark, de l'Espagne, de l'Autriche et de l'Irlande.
Sur la présence accidentelle d'OGM, la présidence danoise a suggéré de tolérer, pendant une période transitoire de trois ans, un seuil de 1% pour les 13 OGM bloqués par le moratoire. L'option a été jugée "raisonnable" par la France, mais la Suède l'a rejetée en prônant une "tolérance zéro". Sur l'étiquetage, le seuil de 1% est accepté par des pays comme le Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal ou la Finlande mais d'autres comme la France, la Suède, l'Allemagne, l'Italie ou l'Autriche veulent l'abaisser. Le dossier OGM doit revenir jeudi devant les ministres de l'Environnement des Quinze, sans réel espoir d'avancée après le blocage de lundi. |