Le président français et le chancelier allemand se sont réunis jeudi après-midi en comité restreint dans un grand hôtel de la capitale belge pour jouer la dernière main d'une partie de poker ouverte portant sur le financement futur des dépenses agricoles dans une Europe à 25.
Au terme d'une heure de discussions en compagnie de leurs ministres des affaires étrangères Joschka Fischer et Dominique de Villepin, les deux hommes se sont présentés devant la presse pour annoncer un accord, auquel bien peu croyaient avant le début de leur discussion.
Devant la fermeté des exigences allemandes sur une indispensable réduction des dépenses agricoles, la France, première bénéficiaire de la Politique agricole commune (PAC), avait surenchéri en début de semaine. Refusant d'être la seule à faire des sacrifices, elle avait réclamé en parallèle une maîtrise globale des dépenses en Europe et a surtout remis en cause le rabais accordé depuis 1984 au Royaume-Uni sur sa contribution au budget européen.
La PAC coûte cher, certes, mais que dire des aides structurelles dont bénéficient entre autres l'ancienne Allemagne de l'Est, ou encore du chèque britannique, qui a "aujourd'hui moins de justification qu'hier", avait expliqué mardi le président français. Les Britanniques ont obtenu en 1984 une "ristourne" sur leur contribution au budget de l'Europe, que la France finance aujourd'hui à hauteur d'un tiers, soit quelque 1,5 milliard d'euros. En évoquant le "chèque" britannique, Paris jetait un pavé dans la mare pour tenter de sortir du piège dans lequel l'avaient placée plusieurs de ses partenaires européens, à commencer par l'Allemagne. Car le couple franco-allemand se déchirait depuis des mois autour des futures aides aux agriculteurs d'Europe de l'Est. Berlin, appuyé notamment par Londres, entendait lier la question à une réforme de la politique agricole commune (PAC) dont Paris ne voulait pas entendre parler avant 2006. Sur ce point, Jacques Chirac a obtenu gain de cause: la PAC restera en l'état jusqu'à 2006. Après cette date, les Allemands ont en revanche obtenu de Paris l'engagement d'un "plafonnement" des dépenses agricoles au niveau de 2006, ce qui signifie en clair une baisse des subventions perçues par les agriculteurs français. Car il leur faudra en effet, à partir de 2007, partager avec les dix nouveaux pays que l'UE se propose d'intégrer dès 2004. Chacun aura dû finalement céder un peu à l'autre en concluant un accord "le plus spontanément et dans le meilleur esprit", selon les termes de Jacques Chirac. Confronté à ce bras de fer entre Français et Allemands, les autres pays se sont jusqu'à présent contenté de compter les points, a reconnu un peu amer un diplomate nordique. La présidence danoise de l'Union s'est toutefois félicité de cet accord franco-allemand qui devrait sauver "son" sommet de Bruxelles. |