"Le plus grand domaine a dix hectares, le plus petit moins d'un hectare", affirme Ghislain de Charnacé, président du syndicat des vignerons de Bellet, producteur du château du même nom, l'un des fleurons de l'appellation.
On qualifie Bellet de vignoble urbain. Implanté sur la commune de Nice, il s'élève, à partir des faubourgs de la ville, sur deux lignes de crêtes. Du fait de son exiguïté, il se découvre par parcelles, au détour d'un virage, dans le creux d'un vallon, toujours accroché sur des terrasses.
Deux cépages, particuliers à ce vignoble, le distinguent : le braquet et la folle noire. Le braquet, un nom encore porté par de vieilles familles niçoises, donne au vin rosé des parfums de fleurs et la folle noire, souvent assemblée au cinsault et grenache, apporte couleur et tannin à un vin rouge de garde. Enfin, le rolle, vermantino en Italie, fournit amplitude et gras au vin blanc.
"On joue à fond le terroir. Il faut que nos vins soient d'ici, identifiables. Bellet est une niche comme le sont en Provence Cassis et Bandol", dit Ghislain de Charnacé.
Un microclimat (chaleur et vent) favorise une lente maturation et un bon état sanitaire des raisins. Les sols filtrants sont propices aux faibles rendements (4O hl/ha).
En 1970, seuls quatre vignerons vinifiaient leur vin. Les autres vendaient le raisin au château de Crémat, jusqu'à sa faillite en 1991. Il leur a donc fallu apprendre à élever leur vin du jour au lendemain. Un ingénieur agronome, un technicien de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) et un oenologue les ont aidés.
"Ce n'est pas parce qu'on est sur une appellation AOC que le vin est bon. Bellet inscrit sur l'étiquette ne suffit pas", souligne Ghislain de Charnacé.
Bellet manque de vin pour répondre à la demande. D'où le souhait d'une extension des surfaces et des droits de plantation. "Avec moins de 5 hectares, on ne vit pas", dit Ghislain de Charnacé.
Mais depuis dix ans, conséquence de la spéculation immobilière sur la Côte d'Azur, maisons luxueuses et résidences secondaires ont envahi les crêtes, entraînant l'envol des prix du foncier.
"Un hectare coûte 150.000 euros", affirme Joseph Sergi, propriétaire du Clos Saint-Vincent.
Jusqu'ici, les viticulteurs avaient réussi à déjouer les surenchères. Les rares surfaces viticoles disponibles étaient cédées à des prix raisonnables. Mais l'arrivée il y a un an d'un industriel néerlandais qui s'est porté acquéreur du château de Crémat en payant trois fois le prix demandé leur fait craindre le pire. "On risque de mourir asphyxié", dit Joseph Sergi. |