Toujours "roi du bouchage" en France et en Europe, où le consommateur s'accroche plus à la tradition, le bouchon de liège a vu sa prédominance menacée ces dernières années par le plastique et le métal dans les pays viticoles du Nouveau Monde, où le vin est souvent consommé rapidement, à prix relativement bas. L'enjeu est de taille et le marché porteur : selon Marc Sabaté, président de la Fédération française du Syndicat du liège, ce marché est de l'ordre de 600 millions d'euros au niveau mondial et de 100 ME pour la France, soit quelque 17 milliards de bouchons pour un nombre équivalent de bouteilles de vin qui circulent de par le monde. Pour l'instant, notamment en Europe, le liège, qui peut donner au vin un désagréable goût de bouchon --dans 3% des cas, selon le Conseil Interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB)-- garde une maîtrise quasi-absolue, avec 92% du marché mondial. Mais à moyen terme il doit se méfier de ses nouveaux concurrents, les bouchons en plastique, largement répandus dans les pays producteurs du nouveau Monde, et le dernier venu, la capsule métallique à vis, qui commence à y fleurir aussi. "Les consommateurs du nouveau Monde sont très exigeants et ne veulent pas prendre de risque", souligne Bruno de Saizieu, directeur commercial de Péchiney-Capsules, leader mondial en la matière, qui a mis au point une capsule à vis en aluminium, le Stelvin, permettant l'oxygénisation du vin à l'intérieur de la bouteille. Le vin vieillit bien, il n'y a pas de goût de bouchon, et les bouteilles sont faciles à ouvrir, surtout pour les femmes, explique Bruno de Saizieu, qui se félicite de l'adoption de la capsule par des producteurs de vin moyen et haut de gamme notamment en Californie, en Australie et en Nouvelle-Zélande. "En France, le marché commence à frémir", se réjouit-il, même dans le Bordelais, où plusieurs négociants ont commencé à l'utiliser. Pour de nombreux Bordelais cependant, l'usage du synthétique ou de la capsule pour le bouchage des grands crus apparaîtrait comme un "sacrilège". Selon une enquête récente réalisée par la SOFRES, 85% des Français jugent "indispensable" ou "préférable" l'usage du liège, qui est considéré comme un signe de la qualité du vin et apprécié pour "son bruit sympathique au débouchage". Marc Sabaté, lui, ne veut pas parler de "crise" pour le liège, un produit relativement cher apprécié pour son élasticité et sa souplesse à l'embouteillage. "Nous sommes à l'unisson du marché du vin, dans un paysage vinicole qui se recompose", estime-t-il.
Bernard Hébrard, un oenologue bordelais, insiste sur la qualité du liège (il en existe sept sortes), déterminante sur le prix et la qualité du vin. Pour lui, les vins haut de gamme continueront à utiliser du liège haut de gamme, les vins bon marché passeront au bouchon synthétique. |