Jeudi en fin d'après-midi, le patron de Buffalo Grill, Christian Picart, a été mis en examen notamment pour "homicides involontaires, mise en danger de la vie d'autrui et tromperie sur la nature, la qualité et l'origine de la marchandise", dans le cadre de l'enquête sur le nouveau variant humain de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Comme le directeur des achats du groupe, Daniel Batailler, poursuivi pour les même chefs, il était en cours de présentation, en début de soirée, devant un juge des libertés et de la détention (JLD) qui devait statuer sur son placement en détention provisoire. L'affaire a suscité la perplexité de l'Office de la viande britannique. Son porte-parole, Rémi Fourrier, s'est ému de l'amalgame fait, selon lui, entre "une affaire frauduleuse, une maladie humaine et la viande de boeuf britannique". Il a souligné que "dans un restaurant Buffalo Grill, on ne mange ni cervelle, ni moelle épinière, mais de la viande. Or, les scientifiques ont toujours affirmé que le prion (agent infectieux de l'encéphalopathie spongiforme bovine) n'a jamais été décelé dans le muscle". Un argument repris par l'avocat des parties civiles, Me François Honnorat, qui au palais de justice de Paris ne décolérait pas, estimant que les poursuites pour ces importations frauduleuses n'ont pas à être versées au dossier d'instruction sur la maladie et risquent de le mettre à mal. Une source proche de l'enquête a déploré ce débat, rappelant que le "volet" Buffalo Grill pourrait être "dissocié du dossier en cours d'instruction et faire l'objet d'un jugement séparé". Restent les faits avancés par la justice, fruit d'investigations du groupe santé publique de la section de recherches de la gendarmerie. Bien qu'il soit pratiquement impossible d'établir un lien entre la mort de deux victimes en février 2000 et en avril 2001 et leurs habitudes chez Buffalo Grill (qui justifie actuellement la mise en examen de quatre de dirigeants pour "homicides involontaires") les soupçons de fraude sont, selon plusieurs sources judiciaires, étayés. Des témoignages concordants indiquent que certains responsables auraient écoulé des stocks de viande britannique juste après la mesure d'embargo prise par la France, en 1996. Ils auraient continué plus tard, et ce jusqu'en 2000. Deux des responsables déjà mis en examen auraient par ailleurs reconnu qu'ils avaient fermé les yeux sur certaines malversations. S'immisçant dans le débat, les éleveurs français ont douté de l'efficacité des contrôles des autorités françaises pour faire respecter l'embargo. Le président de la Fédération nationale bovine (FNB), Pierre Chevalier, a exprimé sa "colère" et annoncé que la Fédération se porterait partie civile si les soupçons de fraude étaient avérés. Face à cette tempête, le numéro un de la viande grillée en France, a réagi, en fin de journée par un communiqué affirmant que "les règles d'hygiène, de traçabilité et de contrôle sanitaire sont scrupuleusement respectées chez Buffalo Grill" et que si une fraude antérieure était prouvée les individus seraient "sévèrement sanctionnés". Enfin, par un hasard du calendrier, le décret imposant à la restauration commerciale ou collective de mentionner l'origine des viandes bovines servies aux consommateurs est paru jeudi au Journal officiel. |