Désherbage chimique : "changer de cap"

"Une époque est révolue. Celle du tout désherbage." Spécialiste de l'entretien des sols à l'ITV, l'Institut technique de la vigne, Eric Chantelot rappelle : "Lorsque les premiers produits de désherbage sont arrivés sur la marché, cela a apporté un plus incontestable en matière de confort pour les vignerons."

Mais aujourd'hui, avec des années de recul, le tout désherbage n'est plus la solution. "On est de plus en plus confronté à des problèmes de résistance aux mauvaises herbes. Aujourd'hui, il y a en outre une demande croissante des vignerons qui veulent pouvoir maintenir une bonne structure des sols et lutter contre l'érosion… Ça correspond à un souci de durabilité des sols." Par ailleurs, il y a une pression de plus en plus forte de la société pour tenir compte des questions environnementales et des risques de pollution : ruissellement, lessivage…

Technique la plus contraignante

"Le désherbage chimique est devenu la technique la plus contraignante, en raison de l'évolution de la réglementation", explique Eric Chantelot. Déjà, plusieurs matières actives ont été interdites. "D'autres le seront prochainement : la cimasine en juin 2003, la terbuthylazine sans doute en 2004." La rémanence de ces produits est en cause. Les pouvoirs publics, à travers l'agence de l'eau ou la DDASS, surveillent la présence des résidus dans les eaux superficielles et souterraines.

"Dans des parcelles où la triazine n'est plus utilisée depuis une dizaine d'années, on retrouve des résidus dans des normes supérieures à celles admises par la réglementation", rappelle-t-il pour exemple. Dans huit analyses de parcelles sur dix, on révèle aussi la présence de terbuthylazine dans des doses supérieures à la norme retenue. Notamment dans les eaux souterraines.

Rémanence des matières actives

Quant au diuron, on note sa présence principalement au niveau des eaux de surface. Et le technicien de rappeler que les pouvoirs publics ont déjà réduit l'application du diuron à 1 500 g/ha* en 2003. "Et peut-être à 1 200 g en 2004" estime-t-il. "Aussi, il appartient à la filière viticole de prendre les devants si nous voulons encore pouvoir utiliser certaines molécules." Pour des raisons économiques ou compte tenu de la topologie de certains vignobles, certaines matières actives sont en effet indispensables pour désherber. "Mais il faut avoir à l'esprit qu'il faut limiter leur utilisation aux réels besoins, prévient-il, sinon il y aura d'autres interdictions."

Limiter aussi les post-levées

Un constat valable pour les désherbants de post-levée. “On retrouve des résidus de post-levée dans les eaux superficielles et un peu moins dans les eaux souterraines. Le phénomène de substitution n'est donc pas la solution. D'un point de vue environnemental, les herbicides de post-levée ne valent pas mieux que les prélevées. "On a peut-être commis une erreur en préconisant leur usage", confesse le technicien qui rappelle que des recommandations en matière de désherbage chimique ont été adoptées par l'ITV pour les régions méridionales. Agréées par les organisations professionnelles, elles sont plus contraignantes que l'actuelle réglementation mais n'ont pas de valeur obligatoire. Elles visent à anticiper d'éventuelles modification de réglementation.

Se donner un nouveau cap

Dès cette année, l'ITV préconise ainsi l'arrêt de l'utilisation de la terbuthylazine. Il demande en outre de ne plus utiliser d'herbicides de prélevée sur toute la surface, mais uniquement sous le rang, et de réduire l'usage systématique de post-levée sur l'ensemble de la surface. "Mais on conseille évidemment de continuer si c'est la seule solution économiquement viable", précise-t-il. Sur le diuron, l'Institut préconise d'en réserver l'usage pour contrôler la flore estivale et de "retarder son application entre le 1er mai et le 15 juin en effectuant une seule application (comprise entre 1 000 et 1 500 g/ha) plutôt que deux applications de 750 g."

Et plutôt que d'alterner les produits de prélevée dans la saison, ou de les mélanger, l'ITV conseille d'alterner ces herbicides d'une année sur l'autre pour éviter la sélection d'un certain type de flore. "Il est aussi préférable de faire un traitement à pleine dose au débourrement de la vigne. Quitte à ne pas avoir une efficacité totale", ajoute Eric Chantelot qui précise qu'il faut "bannir les mélanges de traitement herbicide de sortie d'hiver qui ne garantissent pas une bonne efficacité". Enfin, s'agissant des herbicides post-levée, il est préférable de ne faire qu'une application par an souligne le spécialiste. Si un autre passage doit être effectué, il vaut mieux choisir une matière active différente de la première. "Et il n'y a pas que le glyphosate, martèle-t-il, même s'il est vrai que les autres herbicides sont deux à trois fois plus chers". Car là encore, les pouvoirs publics pourraient bien être tentés de limiter l'utilisation du glyphosate s'il s'avérait qu'on retrouve trop de résidus dans les analyses d'eau. Des recommandations qui ne sont pas toujours faciles à suivre reconnaît Eric Chantelot. "Ce n'est pas toujours possible, mais c'est un cap qu'il faut se donner" conclut-il.


* : la quantité de diuron est en rapport avec la surface traitée, ce qui correspond à une limitation à 500 g/an si on ne traite qu'un tiers du rang



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