En privant le sol d'eau, la canicule qui frappe aussi l'Italie et l'Espagne, a détruit la naissance des truffes --truffettes-- dont la récolte, l'hiver prochain, risque d'être réduite à sa plus simple expression si la météo ne s'améliore pas rapidement, selon la Fédération Française des Trufficulteurs (FFT). Pour que l'un des joyaux de la cuisine française s'épanouisse et exprime ses qualités gustatives en hiver (décembre à mars) plusieurs conditions doivent être réunies: un printemps doux et peu arrosé pour la naissance en mai-juin des truffettes de la taille d'une tête d'épingle, des orages tous les 15-20 jours en été et un automne pas trop pluvieux. Or, la fournaise constatée depuis fin mai - plus de 40 degrés dans plusieurs régions du Vaucluse, du Périgord et du Lot - a détruit les truffettes, indique Michel Courvoisier, directeur de la FFT, représentant les 20.000 professionnels de la filière. Le sinistre touche des milliers de récoltants de truffes en espace naturel mais il ruine aussi une année de travail effectué par les trufficulteurs sur leurs plantations, ajoute cet expert mycologue. Avec leurs marchés de Carpentras, Lalbenque, ou Richerenches, le sud-ouest (20% de la production) et le sud-est de la France (80% des récoltes) sont les deux principales régions productrices du champignon. Elles exportent près de la moitié de la récolte, au Japon, aux Etats-Unis, en Belgique et en Allemagne. Face à ce sinistre, les producteurs européens attendent une initiative de Bruxelles afin de les aider à reconstituer les espaces plantés en arbres truffiers. Car aujourd'hui la production de la plus noble des truffes, la tuber melanosporum, plus connue sous le nom de truffe noire du Périgord, est assurée à 80% par les trufficulteurs, la récolte sauvage de ce champignon n'ayant cessé de décliner depuis un siècle. A la fin de la Première Guerre mondiale, elle dépassait en France les 1.000 tonnes. En 1940, elle tombait à 435 tonnes et ces dernières années, à moins de 100 tonnes. La récolte 2001-2002 avait été meilleure que la précédente avec respectivement 35 tonnes contre 15 tonnes. Les prix de gros étaient revenus de 514 euros le kilo à la fin 2001 à 295 euros pour les fêtes 2002. Depuis des années, les trufficulteurs cherchent à percer le mystère du diamant noir, un champignon à fructification souterraine dont la naissance, la pousse et la multiplication sont très capricieuses. Elles sont liées à la rencontre de trois facteurs indissociables: terrain, racines d'arbres (noisetiers, chênes, pins, tilleuls) indispensables à son développement, et climat. La désertification accélérée des campagnes après 1945 et le vieillissement des truffières sont les principaux responsables de la raréfaction de la truffe, disent les spécialistes. Dans les années 1960, est née l'idée de cultiver le champignon. Des jeunes arbres ont été plantés à raison de 500 à 600 par hectare. Quatre ans plus tard, une zone dénudée, le "brûlé", se forme autour du plant, signe que le mycélium de la truffe progresse et envahit le sol, détruisant la végétation alentour. Le trufficulteur ne pourra récolter sa production --6 à 40 kilos l'hectare selon la variété de l'arbre- qu'une dizaine d'années plus tard. |