Depuis le début de l'année, la formule "inventée entre voisins" ne s'est pas démentie. Entre le gel de décembre puis un dégel sans pluie, l'hiver a été calamiteux. Une longue période de gel en plein mois d'avril suivie d'une chaleur pesante dès le mois de juin ont fini d'anéantir les derniers espoirs d'une bonne récolte. Pour Thierry, 48 ans, propriétaire d'une exploitation de cent hectares dans un petit hameau sur la commune de Saint-Martin-des-Champs, c'est l'heure des comptes. Il décline les mauvais chiffres de la "campagne" 2002-2003 : "un tiers de rendement en moins pour le blé, moins 45 % pour l'orge d'hiver et moins 20% pour les fèves". Au total, un déficit de 55 euros par hectare. "Sans les aides européennes, ce serait 355 euros", précise Thierry. En Seine-et-Marne, troisième département céréalier de France, la perte moyenne par exploitation est de 25 à 30% explique la FDSEA. "On va vivre avec le revenu de madame", commente pudiquement Thierry dont l'épouse est aide soignante. "La dernière année aussi difficile remonte à 1987", se souvient le paysan. "on a l'habitude de dire que les agriculteurs sont des râleurs sauf que nos contraintes sont réelles", explique-t-il. "Avant, nos parents et nos grands-parents avaient toujours une année de culture d'avance en trésorerie. Aujourd'hui, on travaille à flux tendus et notre endettement est important". De fait, Thierry continue de payer une partie de ses terres ainsi que des prêts contractés pour des machines. Pour la prochaine campagne, il a déjà prévu des économies sur l'engrais. "Je prends des risques, reconnaît-il, mais je n'ai pas le choix". La seule solution serait une augmentation du prix du blé dont la qualité, à défaut de quantité, est excellente. Mais il n'y croit pas. Le ministre de l'Agriculture a récemment promis des aides via le fonds de calamités agricoles. "Je n'y ai pas le droit. L'argent va à ceux qui ont perdu la moitié de leurs récoltes. Un tiers ne suffit pas", ajoute-t-il. A l'extérieur de la bâtisse de famille en pierres de tailles, Thierry a stocké quarante cinq tonnes d'avoine avec l'espoir "que le cours augmente". Au pied du monticule, une soufflerie à l'arrêt est toujours installée. Durant les grosses chaleurs, elle servait à maintenir une température de 15 à 18 degrés. "Avec une note d'électricité à la hausse", glisse-t-il. Le paysan n'oublie pas non plus ses collègues éleveurs, frappés plus durement encore. Sur un immense champ de blé dont il ne reste que des bas de tiges couchés, des dizaines de ballots sont empilés : soixante dix tonnes de paille à destination de l'Aveyron. |