Décidément, les vins français sont à la peine outre-Atlantique. Déjà dangereusement concurrencés sur ce marché par les vins du Nouveau Monde, notamment ceux de l'Australie, les crus exportés par la France aux Etats-Unis sont en baisse depuis quelques mois. Pour les exportations de vins de Bourgogne par exemple, le recul est très net. Selon les Douanes, par rapport aux mêmes périodes de 2002, les ventes ont baissé en valeur de 32,77 % au premier trimestre et de 42 % au second. “On n'avait pas connu une baisse aussi forte depuis la guerre du Golfe”, souligne Benoît de Charette, un des responsables de la maison Albert Bichot et président de la commission économique du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne.
De l'avis des professionnels, les tensions internationales du début 2003 ne sont pas étrangères à cette situation. Des appels au boycott des vins français avaient été lancés aux Etats-Unis lors de la crise irakienne, durant laquelle la France s'était déclarée opposée à la guerre en Irak. En Bourgogne, des professionnels avaient pendant la guerre affirmé que l'appel au boycott n'avait pas eu d'effets. Mais à Vinexpo en juin dernier, de nombreux opérateurs tiraient la sonnette d'alarme. En avril et mai, par rapport aux mêmes périodes de 2002, les exportations de vins français avaient baissé de 20 à 30 %.
La consommation de vin aux Etats-Unis est pourtant florissante.
Selon l'édition 2003 du Adams Wine Handbook, plus de 246 millions de caisses de vin ont été consommées par les Américains en 2002, le plus haut niveau depuis 16 ans. Aidée notamment par la baisse des prix, la demande a augmenté de 5 % l'an dernier. Les vins tranquilles (« table wines ») rencontrent un succès grandissant. Si les vins étrangers ont connu la croissance la plus forte (+16 %, contre +3,5 % pour les vins américains) et représentent 20 % du marché, les vins français ne profitent pas de cette consommation en hausse. Face à la concurrence, négociants et producteurs français réfléchissent à une nouvelle stratégie et notamment à la création ou non de vins d'assemblage de plusieurs cépages de différentes régions.
La prochaine entrée en vigueur de la loi américaine sur le bioterrorisme devrait en outre rendre la donne plus difficile encore. La loi entraînera des contraintes plus lourdes sur les exportations de produits destinés à l'alimentation humaine ou animale.
Mais sur le marché américain comme sur les autres marchés internationaux, les vins français souffrent aussi d'un autre handicap : le niveau élevé de l'euro. Les exportations de boissons alcoolisées hors zone euro ont reculé en juin. Selon Agreste, par rapport à juin 2002, les ventes mondiales de vins et champagnes ont diminué de 32 millions d'euros, celles de cognac de 36 millions d'euros. Une petite consolation toutefois avec les bordeaux rouges qui ont tiré leur épingle du jeu : leurs exportations ont augmenté de 20 %, notamment grâce aux Etats-Unis qui ont plus que doublé leurs achats en valeur dans ce domaine si l'on compare avec juin 2002.
Sur le marché européen, la situation pourrait être également délicate. Les ventes de vins français ont en effet certainement souffert d'un autre aléa, climatique celui-ci. Si la canicule a fait bondir les ventes d'eaux minérales et de jus de fruits, elle n'a pas fait la fortune des marchands de vins. Les chiffres des prochains mois devraient confirmer cette crainte.
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