Plus de la moitié des letchis de la Réunion vont pourrir dans les arbres

Jamais au cours des dernières décennies, la Réunion n'avait connu une telle abondance de letchis, de l'avis des responsables de la filière. Les petits fruits rouges à la peau rapeuse et à la chair blanche, juteuse et parfumée, symbole des fêtes de fin d'année, se vendent à moins d'un euro le kg sur les marchés locaux ou au bord des routes."Même si on les vendait à 20 centimes le kg, on n'arriverait pas à les écouler, les gens en ont trop mangé" constate, amer, un producteur de Sainte-Rose, Benjamin Elma.

"Les arbres sont tellement chargés de fruits qu'ils se déchirent de partout", se désole Daniel Cadet, un petit agriculteur du sud. Il y a une dizaine d'années, il avait obtenu du conseil général une subvention de 57.000 F à l'hectare pour planter des letchis. Aujourd'hui, n'ayant pu écouler qu'une moitié de sa production, il envisage d'arracher plusieurs arbres pour replanter de la canne, plus rentable.

Partout chez les producteurs, c'est le même constat: "il y en a trois fois trop". La "faute" à des conditions climatiques très favorables (une année pluvieuse sans cyclone, ni gros vents) et à une politique de développement de la filière mal maîtrisée, en particulier à l'exportation.

Dans les années 90, les pouvoirs publics ont subventionné à coups de millions la plantation des letchis (de même que l'ananas et la mangue) dans le cadre de la diversification agricole, mais rien n'a été prévu en terme de débouchés à l'export, pourtant objectif affiché de cette politique de développement.

Cette année, sur les 10.000 tonnes de letchis produites à la Réunion, moins de 500 tonnes (deux fois plus que l'an dernier) seront exportées vers la métropole (où ils seront vendus autour de 10 euros le kg) et environ 4.000 tonnes consommées localement, indique le président de la Confédération générale des planteurs et éleveurs de la Réunion (CGPER), Jean-Yves Minatchy. Selon lui, "plus de la moitié de la production de letchis va ainsi pourrir dans les arbres".

Pour sensibiliser les consommateurs métropolitains à la qualité des letchis réunionnais, "supérieure à la moyenne" selon une étude validée par le ministère de l'Agriculture, les autorités locales (chambre d'agriculture, conseil général, comité du tourisme, chambre de commerce) ont lancé une campagne "Gout' nout' letchis" auprès des professionnels de l'agro-alimentaire parisiens.

Mais les producteurs se plaignent principalement du manque de fret avion. Il y a dix jours, ils ont bloqué plusieurs heures l'aérogare fret de Gillot pour obtenir plus de tonnages à l'export sur Air France. Une solution d'urgence a été trouvée et une réunion de travail s'est tenue au ministère de l'Outre Mer.

Les transporteurs aériens justifient le manque de fret par l'inorganisation de la filière et l'absence de prévisions d'exportation fiables de la part des producteurs. Mais tous sont conscients de l'importance de l'enjeu. "Les distributeurs métropolitains nous ont prévenus: si on ne règle pas le problème de transport, ils ne travailleront plus avec nous", affirme un producteur.


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