La partie s'annonce difficile pour le commissaire européen au Commerce Pascal Lamy, qui conduira les négociations au nom des Quinze du 10 au 14 septembre à Cancun (Mexique), avec son homologue à l'Agriculture Franz Fischler. L'idée d'une protection globale des "indications géographiques" de produits rencontre notamment l'opposition des Etats-Unis et d'autres poids lourds mondiaux de l'agro-alimentaire (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, etc), pour qui appellation d'origine rime avec entrave au commerce. L'enjeu est de surcroît complexe et l'UE devra croiser le fer avec ses adversaires sur deux fronts. Dans le cadre de l'accord sur la propriété intellectuelle, les Européens insistent d'une part pour que le registre d'appellations sur lequel l'Organisation mondiale du commerce planche depuis 1995 pour les vins et spiritueux soit étendu à une multitude d'autres produits (fromages, etc). Pour obtenir satisfaction, ils espèrent rallier à leur cause suffisamment de pays en développement, comme l'Inde, la Thaïlande ou certains producteurs africains ou latino-américains susceptibles d'y trouver leur intérêt. "Le respect des indications géographiques n'est pas un cheval de bataille purement européen. De nombreux pays, et pas seulement des pays développés, voient très bien l'avantage à tirer d'une protection plus solide de leurs produits alimentaires", défend-on à la Commission européenne. "Pourquoi? Parce qu'ainsi, leur valeur ajoutée est renforcée, qu'ils peuvent être vendus à un prix plus élevé. C'est très important par exemple pour les producteurs de café du Guatemala ou d'Antigua, pour le thé "darjeeling" d'Inde ou le riz au jasmin thaïlandais", souligne-t-on dans l'entourage de M. Lamy. L'autre volet du dossier s'annonce aussi difficile à négocier: des champagnes ou Cognacs de toutes origines au jambon de Parme "made in Canada", les Quinze s'affichent las de voir des productions qu'ils jugent emblématiques de leurs terroirs galvaudées de façon lucrative hors d'Europe. "Ce que nous essayons de faire, c'est de récupérer l'usage exclusif de ces appellations de produits qui sont devenus quasiment génériques. Nos demandes n'ont rien d'excessif. On ne parle que d'une poignée de produits", affirme-t-on à Bruxelles. "Que je sache, Parme est toujours en Italie, pas au Canada", souligne le porte-parole de M. Fischler, en référence au célèbre jambon. "C'est un dossier très important pour nous, alors que nous venons tout juste de promettre à nos agriculteurs que la réforme de la PAC (Ndlr, politique agricole commune) servirait à promouvoir les productions de qualité", souligne une source européenne. Reste que si les Européens sont prêts à faire front commun sur le dossier, malgré quelques réticences danoises ou britanniques à l'égard du système des appellations, arrêter d'ici Cancun le menu des dénominations à récupérer n'est pas de tout repos, compte tenu des revendications de chaque Etat membre. Au final, la Commission européenne escompte mettre sur la table de l'OMC une liste "incompressible" d'une trentaine d'appellations de vins, spiritueux, fromages, charcuteries voire confiseries comme le "turron" (nougat espagnol) de Girone et Alicante. En tête de "carte" doivent notamment figurer le champagne, les vins de Bordeaux (dont les crus de Graves, Sauternes et Médoc), Bourgogne, Chablis et Beaujolais, le Chianti, le Porto, le Marsala, le roquefort, le reblochon, le gorgonzola, ou les jambons de Parme et San Daniele. |