"La proposition qui est sur la table ne représente pas une alliance stratégique entre les Etats-Unis et l'Europe sur l'agriculture pour une raison simple : nos intérêts agricoles stratégiques sont fondamentalement différents", rappelle M. Lamy, à quelques jours de l'ouverture, le 10 septembre à Cancun (Mexique), de la conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce.
"La superficie moyenne des exploitations en Europe est de 20 hectares quand elle de 200 ha aux US. Ils exportent des denrées de base alors que nous exportons des produits à valeur ajoutée. Notre stratégie agricole est de rester sur la valeur ajoutée, qui fait que nous avons un surplus agricole avec les Etats-Unis, ce que beaucoup de gens ignorent", ajoute M. Lamy, qui dirigera à Cancun la délégation européenne.
Il rappelle au demeurant que l'initiative euro-américaine, loin de signifier le retour du duumvirat qui régentait le GATT puis l'OMC, répond à la demande des autres pays membres. "Tout le monde sait très bien que sur une certain nombre de sujets, il faut que les Etats-Unis et l'Europe aient un minimum d'accord. C'est une condition nécessaire même si ce n'est pas une condition suffisante".
Rendue publique le 13 août dernier, l'initiative commune UE-USA a provoqué l'inquiétude des partisans d'une agriculture multifonctionnelle, soucieuse de qualité et de protection de l'environnement, dont Bruxelles se fait traditionnellement le champion, face aux partisans de la libéralisation totale du commerce agricole, Etats-Unis et grands pays exportateurs du Groupe de Cairns. Par ailleurs, "il n'y a pas de volonté de diviser les pays en voie de développement (PVD)" ajoute Pascal Lamy à propos du document préparé avec son homologue américain, le représentant pour le commerce Robert Zoellick. Dans l'esprit du round de Doha, qualifié de cycle du développement, la déclaration insiste sur un traitement différencié des PVD au bénéfice des plus pauvres, ce qui ne plait guère aux grands exportateurs comme le Brésil.
Pour M. Lamy, "cette idée que les PVD ont une position commune sur l'agriculture est tout simplement une vue de l'esprit". "Il n'y a pas de position homogène des PVD parce que certains ont de très bons avantages comparatifs et d'autres n'en ont pas", explique-t-il. Il cite l'exemple du régime sucrier européen, très critiqué par les PVD qui y voient l'illustration de la mauvaise foi protectionniste des pays riches. "Je reconnais que le fait de produire du sucre à 600 euros la tonne alors que les PVD peuvent le faire à 250 est une situation qui n'est pas soutenable", dit-il.
"Mais, ajoute-t-il, supposons qu'on libéralise d'un coup de baguette magique le marché du sucre, le Brésil va prendre les 3/4 du gâteau, la Thaïlande 10% et il ne restera pas grand chose pour les autres, notamment nos amis africains. Que notre système mérite révision, j'en conviens. Que nous le fassions au nom du fait qu'il faudrait tout libéraliser, sûrement pas". |