Alors que toute négociation consiste à se rencontrer "à mi-chemin", selon l'expression du négociateur européen Pascal Lamy, l'Union Européenne, les Etats-Unis mais aussi le Canada se sont inquiétés du manque de flexibilité affiché par le G21, qui se présente comme le porte-parole des pays en développement dans ce débat.
"Nous avons prêché pendant des années l'importance pour les pays en développement de rejoindre le système commercial multilatéral. Ils ont trouvé leur voix, elle est forte et ils arrivent parfois à être unis. Tout cela est positif mais nous devons éviter les affrontements bruyants car dans un tel clash, l'agriculture pourrait perdre", a expliqué Sergio Marchi, ambassadeur du Canada auprès de l'OMC.
Selon Pascal Lamy, "il n'y pas d'animosité de notre part" à l'égard du G21. "Il n'y a pas de stratégie commune entre les Etats-Unis et l'Europe pour faire exploser le G21", a-t-il dit. Mais Européens et Américains "travaillent très dur pour dégager un cadre intermédiaire ouvrant la voix à une négociation chiffrée".
"Le porte-parole du groupe G21 n'est pas le porte-parole des pays en développement et beaucoup de ces derniers nous ont dit la même chose", soulignait toutefois vendredi le numéro deux de la délégation américaine, Peter Allgeier.
Alors que le débat agricole à l'OMC était traditionnellement dominé par l'affrontement entre l'Union Européenne d'un côté, les Etats-Unis et les grands pays exportateurs du Groupe de Cairns, de l'autre, la donne a significativement changé pour cette 5ème conférence ministérielle organisée à Cancun.
Américains et Européens ont avancé le 13 août dernier une proposition commune pour sortir de l'impasse constatée à Genève. Mais jugée très insuffisante, notamment sur l'élimination des subventions à l'exportation, cette initiative a provoqué la risposte d'un groupe de pays en développement, le G21, animé par le Brésil et l'Inde.
Dans l'atmosphère très médiatique de la conférence ministérielle, les premières journées ont été dominées par l'affirmation publique de positions tranchées, au risque de créer une dynamique dangereuse. Sur le dossier agricole, "il est absolument crucial que nous établissions des ponts, non seulement sur le fond des problèmes mais entre les délégations parce que nous devons éviter une division Nord-Sud", estime l'ambassadeur Marchi.
Mais Européens et Américains estiment qu'ils ont déja fait preuve de beaucoup de flexibilité et que les animateurs du G21 doivent maintenant faire leur part du chemin.
Pascal Lamy a rappelé que l'UE avait "franchi la ligne rouge à Doha", lors de la précédente conférence ministérielle, en acceptant le principe, autrefois tabou, d'une élimination progressive des subventions à l'exportation. Les Européens sont maintenant prêts à passer à l'acte sur une liste de produits sensibles pour les pays en développement. "Ils doivent présenter leurs demandes", a dit le commissaire européen.
Pour le commissaire européen à l'agriculture Franz Fischler, l'Union Européenne a déjà fait des efforts sans équivalent, ne serait-ce qu'en adoptant avant l'été une nouvelle réforme de la Politique Agricole Commune. "Nous attendons maintenant que les autres abattent leurs cartes en indiquant comment ils veulent parvenir à un compromis", a-t-il dit.
La tonalité est la même du côté américain. "Nous avons indiqué très clairement que nous sommes prêts à réduire les subventions à l'exportation, à réformer de façon substantielle nos politiques d'aides et à ouvrir significativement des marchés", a souligné M. Allgeier.
"La question maintenant est de savoir ce que les autres pays sont prêts à faire dans ces trois domaines", a-t-il ajouté. |