Les plus opposés au projet de la Commission européenne de couper à partir de 2004 tout lien entre le niveau de production et les aides directes aux exploitants ont réitéré leur refus d'un accord précipité, lors de la réunion informelle des ministres de l'Agriculture des Quinze qui s'est achevée mardi à Corfou (Grèce). "N'ayons pas la magie des dates (...) Le 30 juin n'est pas une date sacramentelle", a déclaré le ministre français Hervé Gaymard, affirmant "ne pas voir comment un compromis serait possible si la Commission ne fait pas mouvement". "Cela n'a pas grande importance d'aboutir en juin ou en novembre. Tout dépend du contenu", a renchéri son homologue portugais, Armando Sevinate Pinto. Le Belge José Happart, ministre de la Région wallonne, a prédit une absence d'accord au dernier conseil des ministres sous présidence grecque, les 11 et 12 juin à Luxembourg, et un renvoi du dossier à la future présidence italienne. Après dix mois de discussions stériles, la plupart des Etats membres acceptent désormais le principe d'une réforme. Mais une dizaine d'entre eux, emmenés par la France et l'Espagne, refusent le découplage total des aides, défendu jusqu'ici bec et ongles par le commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler, avec l'appui du Royaume Uni et de la Suède. "La Commission est en retard. Si elle avait voulu un accord en juin, elle aurait déjà dû bouger et elle ne l'a pas fait", a déploré à Corfou le ministre portugais. Tout en réaffirmant sa confiance dans un accord le mois prochain, M. Fischler a jugé "inapproprié" pour le moment de parler de "compromis potentiel" et "dangereux" de parler de "découplage partiel", tant l'interprétation du concept varie d'un pays à l'autre. "Le commissaire ne peut pas faire passer le découplage total, donc on va tomber dans le découplage partiel. C'est impossible de faire autrement", a rétorqué M. Sevinate Pinto. Définir les modalités d'un tel découplage sera l'une des clés d'un déblocage du dossier: des pays comme l'Espagne ou l'Italie suggèrent d'exempter certaines productions, animales par exemple; d'autres comme l'Allemagne prônent un découplage pour chaque secteur mais appliqué à un pourcentage variable des aides. Autres obstacles à franchir: la levée de l'opposition, en particulier française, à la dégressivité des aides directes, que la Commission souhaite instaurer à partir de 2007 notamment pour transférer une partie de ces subventions vers des projets de développement rural. M. Gaymard s'est dit favorable à Corfou au principe d'un tel système dit de "modulation". Mais il a rejeté l'idée, aussi défendue par M. Fischler, d'utiliser une partie des fonds pour "financer une baisse des prix des céréales et du lait". Pour tenter de sortir de l'impasse, les Quinze ont chargé les directeurs généraux de leurs ministères respectifs de négocier directement entre eux d'ici au 11 juin. Selon une source proche du dossier, la Commission aurait déjà laissé "filtrer le message" d'une inflexion prochaine de sa position. "M. Fischler fera une nouvelle proposition lorsqu'il y aura un début de compromis en coulisses", a estimé de son côté José Happart. Bruxelles souhaite boucler la réforme de la PAC avant la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en septembre à Cancun (Mexique). Principale alliée du commissaire Fischler, la ministre britannique Margaret Beckett a mis en garde à Corfou contre l'"énorme erreur" que constituerait à ses yeux un échec en juin. |