"Sur le principe, nous ne sommes pas opposés à la recherche sur les OGM, mais nous voudrions que les essais soient pratiqués à distance raisonnable de nos vignes", déclare Jean-Paul Goulby, le directeur de l'Association des viticulteurs alsaciens (AVA), qui regroupe environ 4 000 des 4 800 producteurs de la région.
L'objet de cette polémique naissante est la décision annoncée en janvier par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) de reprendre dans les prochains mois, si le gouvernement l'y autorise, des essais en plein champ de vignes transgéniques résistantes à la maladie du court-noué. Ces essais seraient pratiqués sur une surface réduite, à proximité du site alsacien de l'INRA... qui n'est jamais très loin des vignobles.
Le virus du court-noué, qui peut largement affecter les récoltes, est propagé par des vers qui prospèrent sur la racine des ceps. Actuellement, faute de produits capables d'éradiquer le virus, les viticulteurs s'attaquent à ces vers, à l'aide d'un insecticide particulièrement toxique.
"Si les pieds de vigne étaient résistants à ce virus, on pourrait ne plus utiliser ces produits très dommageables à l'environnement", explique Marc Fuchs, chercheur à l'INRA de Colmar et responsable de ces recherches.
Selon le scientifique, il ne s'agit pas de produire du vin OGM. Un pied de vigne, explique-t-il, est composé de deux végétaux distincts, greffé l'un à l'autre. La modification génétique ne porte que sur la partie inférieure de la plante (le porte-greffe) tandis que le raisin est produit par la partie supérieure (le greffon). "Seul le porte-greffe est OGM. Le greffon, et donc le raisin, serait rigoureusement normal", assure-t-il.
Une explication qui ne convainc pas les écologistes et les viticulteurs. "Le principe de précaution devrait s'appliquer aussi dans ce domaine, et on ne devrait donc pratiquer ces essais qu'à bonne distance des vignes", estime Christophe Hartmann, membre de la Confédération paysanne et ancien candidat des Verts aux législatives dans le Haut-Rhin.
"Puisqu'il s'agit seulement d'un essai, et que le but n'est pas de produire du bon vin, pourquoi ne pas planter ces plantes OGM dans une région dépourvue de vigne?", demande-t-il.
De son côté, un collectif d'associations opposé à ce projet prône une autre méthode de prévention du court-noué, consistant à laisser les terres plusieurs années en repos entre l'arrachage d'une vigne et le repiquage d'une nouvelle. Pour ce collectif, la solution OGM n'a donc pour but que de "replanter plus vite pour gagner plus d'argent".
"Le problème des OGM, c'est que, dans l'esprit du consommateur, ça porte atteinte à l'image de nos vins", craint M. Goulby, au nom des producteurs.
La célèbre maison champenoise Moët et Chandon l'a bien compris: en 1999, alors qu'elle menait depuis cinq un essai de vigne OGM en plein champ, elle décida brutalement d'y mettre fin... car l'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné venait de s'en faire l'écho. |