"Si c'est ça l'Europe qu'on nous propose, la réglementation sociale va rapidement sauter", pronostique Yvon Auffret, président du Cerafel, satisfait de mettre en évidence un nouvel exemple concret de "concurrence déloyale" au sein du même marché européen. La réglementation du travail ne permet pas aux agriculteurs bretons d'embaucher directement des saisonniers de nationalité étrangère, mais elle ne s'oppose pas, en revanche, au recours à une société de service telle que "Eurokontakt Projekt Serwis SARL", auteur de la proposition dont l'AFP a obtenu une copie. Cette société propose également une "pirouette" pour détourner l'obligation de payer au moins au SMIC les salariés travaillant en France, suggérant à l'agriculteur un arrangement portant sur le logement dont le loyer serait censé être d'un "prix élevé (..) de façon à diminuer ses coûts". "Eurokontakt Projekt Serwis SARL" se targue en outre de n'avoir en catalogue que des "travailleurs efficaces", écartant ainsi le risque d'embauche "d'ouvriers paresseux".
Depuis plusieurs mois, producteurs de tomates, choux fleurs ou échalotes protestent contre "la différence sociale d'un extrême à l'autre", à l'origine, selon eux, de "distorsions de concurrence" considérables entre pays européens, avec son cortège de délocalisations comme cela a été le cas pour le choux fleur transformé. En France, les charges de main d'oeuvre dans le secteur des fruit et légumes représentent 60% du coût de production, note le Cerafel. "Soit on harmonise, soit les paysans français disparaissent; (..) on trouvera toujours au niveau mondial le moins cher et le plus compétitif", note M. Auffret qui continue à préconiser, malgré le coût et les difficultés de recrutement, le recours à la main d'oeuvre locale. "Chacun place le curseur de la morale là où il veut", note le responsable agricole. Il affirme que le système actuel amène les "Espagnols à embaucher des Roumains pour 2,50 euros de l'heure, les Allemands des Polonais pour 4,5-5 euros, alors que des Ukrainiens vendent leur force de travail sur des exploitations polonaises pour 1 euro l'heure". "Certains vont être tentés d'accepter la proposition polonaise", témoigne de son côté François Rosec, producteur à Cléder (Finistère). Pour lui, les producteurs, qui n'ont aucune responsabilité dans la situation actuelle, "sont devenus les otages" d'un système "injuste". "Quand la situation deviendra encore plus tendue, ça sera le +sauve-qui-peut+ et chacun cherchera une main d'oeuvre toujours moins chère pour sauvegarder son exploitation", note M. Rosec. |